Entretien avec le Dr. Marta Colodrón
L’endométriose est une maladie gynécologique qui touche des millions de femmes dans le monde et peut affecter leur fertilité. Leur diagnostic reste un défi, et leur impact varie d’une patiente à l’autre.
Pour mieux comprendre leur relation avec la fertilité et connaître les options disponibles en reproduction assistée, nous avons parlé avec le Dr. Marta Colodrón, gynécologue experte en fertilité et reproduction assistée à Barcelona IVF, qui nous offre une perspective clinique sur les défis, les traitements et les progrès les plus récents dans le traitement de l’endométriose.
Comment l’endométriose affecte-t-elle la fertilité des femmes et quels sont les principaux défis auxquels elles sont confrontées lorsqu’elles essaient de concevoir?
On estime que 2 à 10 % des femmes en âge de procréer ont une endométriose, mais toutes n’auront pas de problèmes d’infertilité. Lorsque nous limitons la prédisposition chez les femmes ayant des problèmes de fertilité, nous voyons qu’entre 30 et 50% auront un diagnostic d’endométriose.
L’endométriose est une maladie chronique et présente un large éventail de symptômes, qui peuvent être différents chez chaque femme et la manière dont ils affectent leur fertilité peut également être différente.
La douleur est l’un des symptômes caractéristiques et seul ce symptôme peut affecter la fertilité, car il y a des femmes qui ressentent de la douleur en ayant des rapports sexuels et cela les fait avoir des difficultés à concevoir. Il peut également y avoir des problèmes purement mécaniques, tels que l’obstruction tubaire par adhérences ou altérations de la réserve et de la qualité ovarienne dans le cas d’endométriomes.
Quels sont les traitements les plus efficaces pour les femmes atteintes d’endométriose qui souhaitent être mères?
Nous devons être conscients que l’endométriose est une maladie hormono-dépendante, avec laquelle la prémisse doit toujours être : effectuer le traitement le plus efficace pour raccourcir au maximum le "time to pregnancy" et éviter de prolonger les traitements aux hormones qui sont moins efficaces comme les inductions d’ovulation ou les inséminations intra-utérines.
Il faudrait individualiser, mais a priori, après une période de recherche de grossesse naturelle sans succès, qui ne dépasse pas 6 mois, il faudrait faire directement une FIV.
Y a-t-il des options dans la procréation assistée qui peuvent aider à améliorer vos chances de grossesse?
Aujourd’hui, nous disposons de différents médicaments et protocoles pour optimiser les résultats de la FIV , en essayant par ailleurs de ne pas aggraver la progression de l’endométriose. Comme je l’ai dit plus tôt, il faut réduire au maximum le délai jusqu’à la grossesse.
En termes de diagnostic, quels tests spécifiques sont effectués pour évaluer la fertilité chez les femmes atteintes d’endométriose et comment déterminent-ils leur impact sur les traitements de fertilité?
Les progrès et recherches actuels sont axés sur le diagnostic précoce. Une fois l’endométriose établie, elle est facile à diagnostiquer par des tests d’imagerie (échographie, RMN), mais le défi est de la suspecter à un stade précoce chez les jeunes femmes, qu’ils n’ont même pas encore de désir génésique pour pouvoir prendre des mesures de prévention tant de l’évolution de la maladie que des problèmes de fertilité. Il existe des publications sur le dépistage sanguin de l’ARN circulant qui a une spécificité diagnostique similaire à la laparoscopie. Diagnostiquer si facilement et précocement chez une adolescente ne peut permettre d’éviter la progression en lui donnant des contraceptifs, qui est le traitement de choix quand il n’y a pas de désir génésique et d’autre part, conseiller à un âge approprié la préservation de la fertilité par vitrification ovocytaire.
La bonne médecine doit être axée sur la prévention et le dépistage précoce.
Est-il possible que la chirurgie pour traiter l’endométriose améliore les chances de grossesse chez les femmes touchées? Dans quels cas la chirurgie est-elle recommandée par rapport à d’autres traitements de fertilité?
En ce qui concerne la chirurgie, nous sommes de plus en plus conservateurs, car nous savons que l’endométriose est une maladie récurrente qui ne disparaît pas avec la chirurgie. L’indication principale de la chirurgie est la douleur et des interventions ciblées sont faites à ce sujet (libération d’adhérences, exéreses de ganglions recto-vaginaux...). L’infertilité par elle-même n’est pas une indication directe, à l’inverse, le fait d’opérer des endométriomes ovariens réduit la réserve ovarienne car on enlève toujours une partie du tissu sain. Ils ne sont opérés que s’ils sont accidentés, s’il y a suspicion de malignité ou si la taille et l’emplacement empêchent un accès adéquat à la ponction folliculaire.
La chirurgie de l’endométriose vise à réduire les symptômes tels que la douleur, mais pas à améliorer la fertilité.
Quels progrès dans le domaine de la procréation assistée ont montré les meilleurs résultats pour les femmes atteintes d’endométriose? Quelles innovations sont à l’avant-garde pour améliorer les taux de réussite?
Les progrès de la reproduction assistée sont communs à toutes les causes d’infertilité. Les protocoles de stimulation, l’amélioration des milieux de culture et incubateurs, la meilleure façon de sélection embryonnaire.
Ce qui a amélioré les résultats, ce n’est pas tant la technologie que la meilleure compréhension et interprétation de la maladie.
Je le résumerais en 3 paradigmes:
- Traiter toutes les femmes qui ne souhaitent pas devenir enceintes avec des contraceptifs dès le diagnostic.
- Une fois qu’il y a le désir génésique de ne pas laisser passer beaucoup de temps si la grossesse n’est pas obtenue de manière naturelle et d’effectuer directement l’option de traitement la plus efficace dans chaque cas.
- Indiquer la chirurgie seulement si elle est indispensable et dans le but d’améliorer la qualité de vie de la femme, pas pour améliorer la fertilité, car il a été constaté que dans ce dernier cas, le résultat peut être inverse.
La connaissance et une approche personnalisée sont essentielles pour améliorer les chances de grossesse chez les femmes atteintes d’endométriose. Grâce aux progrès de la reproduction assistée et à une meilleure compréhension de la maladie, il est désormais possible d’offrir des stratégies plus efficaces pour réduire ses effets et optimiser les traitements de fertilité.
Nous remercions le Dr. Marta Colodrón pour avoir partagé son expérience et ses connaissances, en aidant à faire la lumière sur une maladie qui reste un défi, mais pour laquelle il existe aujourd’hui des solutions médicales avancées.