PMA et homoparentalité
Marie-Clémence, est auteur du livre "on ne choisit pas qui on aime", co-fondatrice de Coming up qui intervient sur la diversité et l'inclusion en entreprise pour les personnes LGBTQIA+ et co-fondatrice du collectif Familles. Marie-Clémence est mariée à Aurore et elles sont Mamans de deux petites filles nées par PMA. Dans cette épisode, Marie-Clémence nous raconte leur parcours de PMA et nous donne des conseils pour les femmes qui souhaitent se lancer dans un projet de bébé.
Transcription
Barcelona IVF
ON-Fertile Minds, The Barcelona IVF Podcast
[00:00:15.260] - Lisa (Barcelona IVF)
Bonjour Marie-Clémence. Merci d'avoir accepté notre invitation sur ce podcast pour parler dans cet épisode de PMA et d'homoparentalité.
[00:00:24.080] - Marie-Clémence
Bonjour Lisa, merci.
[00:00:26.100] - Lisa (Barcelona IVF)
Si vous le voulez bien, je vais me permettre de vous présenter à nos auditeurs et à nos auditrices qui ne vous connaissent pas encore. Marie-Clémence, vous êtes mariée à Aurore, maman de deux petites filles. Vous êtes également l'autrice du livre On ne choisit pas qui on aime, cofondatrice de Coming Up pour la diversité et l'inclusion en entreprise et également cofondatrice du collectif Famille. Je pense que je n'ai rien oublié, c'est ça ?
[00:00:55.400] - Marie-Clémence
C'est bon.
[00:00:56.370] - Lisa (Barcelona IVF)
Aujourd'hui, pour commencer, à l'épisode, est-ce que vous voulez bien nous parler de votre désir d'enfant à vous et à Aurore ? Comment est-ce que vous avez décidé de vous lancer dans ce projet de devenir maman toutes les deux ?
[00:01:11.970] - Marie-Clémence
Aurore, je l'ai rencontrée il y a 15 ans. Moi, je viens d'une famille assez classique, traditionnelle, où j'ai été élevée avec des frères et sœurs et j'ai vu des parents heureux d'être parents. Je me suis toujours projetée dans l'idée de devenir un jour moi aussi mère et de fonder ma propre famille, pourtant, j'ai grandi dans un schéma très hétéronormé. Quand j'ai rencontré Aurore, j'étais en couple avec un garçon, etc. Mais quand je me suis mise avec elle, à aucun moment, je me suis dit que le fait d'être avec une femme allait remettre tout ça en question. J'avais envie d'avoir des enfants et je ne savais pas encore comment, mais je me suis dit : « On en aura. »
[00:01:48.140] - Marie-Clémence
Elle, Aurore, elle a huit ans de plus que moi, elle vient vraiment d'un milieu différent où chez elle, par contre, l'arrivée d'un enfant à chaque fois a provoqué, mais ce n'est pas l'arrivée de l'enfant, en tout cas, mais les couples se sont séparés, les familles ont explosé au moment de l'arrivée des enfants. Du coup, pour elle, maternité était plutôt égale à problème, on va dire.
[00:02:08.120] - Marie-Clémence
Surtout, avec nos huit ans d'écart, comme ça, ça ne paraît pas énorme, mais finalement, dans la représentation des femmes lesbiennes qu'on pouvait avoir, c'est beaucoup. C'est-à-dire qu'elle, elle a grandi presque dans une génération où les homosexuels étaient encore très en marge de la société, ne pouvaient pas se marier, ne pouvaient pas avoir d'enfants, etc. Et Aurore, qui, elle, a fait son coming out beaucoup plus jeune que moi, s'est construite au fil des ans en se disant qu'elle ne pourrait pas avoir d'enfant et que c'était comme ça.
[00:02:35.950] - Marie-Clémence
Quand on s'est rencontrés, moi, j'avais très envie de fonder une famille, elle nettement moins, finalement. Et elle, elle n'avait pas ce désir physique de porter un enfant. Elle s'est dite : « Non, je n'aurai pas d'enfant et ce sera très bien comme ça. » Les années sont passées, on s'est d'abord mariées et finalement, à un moment, vraiment, la question d'avoir des enfants s'est posée sérieusement parce que pour moi, c'était un réel désir. Elle, non, pas du tout et j'ai dû patienter. On a beaucoup discuté parce qu'elle, elle avait peur. Elle ne savait pas du tout dans quoi est-ce qu'on s'embarquait. Elle ne voyait pas comment est-ce qu'on pouvait avoir des enfants et tout en restant en couple, amoureuse, etc. Elle avait du mal à imaginer par les modèles qu'elle a eus que c'était possible. Et aussi voir comment est-ce qu'on allait faire. Parce que c'était ça aussi la question.
[00:03:24.830] - Marie-Clémence
Dans notre entourage, on n'avait personne qui était passé par là.
[00:03:28.280] - Marie-Clémence
Du coup, on s'est lancé dans ce parcours de PMA en janvier 2017, où Aurore m'a dit : « OK, go, je te fais confiance. Allons-y, essayons d'avoir un enfant. » Il y avait un peu de : « On verra plus tard si je suis prête ou pas » parce que je pense qu'on est jamais vraiment prêt ou prête. Moi, j'avais l'impression d'être super prête et elle, pas du tout. Mais en fait, dans la réalité, pas forcément. Je n'étais pas beaucoup plus qu'elle. Moi, j'avais juste quelque chose de très entassé. On s'est lancé dans ce parcours-là.
[00:04:01.330] - Marie-Clémence
On a fait le choix d'aller en Espagne parce qu'à l'époque, on avait quitté Paris. On était partis s'installer à Dax, dans le Sud-Ouest. Donc, on n'était qu'à une heure de la frontière espagnole, plutôt que la Belgique. Ensuite, on a cherché une clinique, on a cherché des infos sur Internet, tout simplement. Parce qu'encore une fois, personne dans nos amis qui était passé par là. Il y avait encore très peu de témoignages à l'époque. C'était il n'y a pas longtemps, c'était il y a six ans. En peu de temps, il ne s'est pas passé beaucoup de choses et sur les réseaux sociaux à l'époque, il n'y avait quasiment rien sur ce sujet ou des choses encore très cachées. C'était très opaque encore, toutes ces techniques-là.
[00:04:41.540] - Marie-Clémence
Du coup, on a fait ça sur Internet. J'ai regardé un peu en termes de localisation, ce qui était le plus simple pour nous. Donc, on s'est dit : « On va prendre Saint-Sébastien parce que ce n'est pas loin, on habite qu'à une heure ». Plutôt que Barcelone, et pourtant, on connaissait et on aime beaucoup Barcelone. Ensuite, sur le choix du donneur, là, on a vu que c'était un donneur anonyme et on ne s'est pas posé la question de : « Est-ce qu'on aurait pu vouloir une autre technique avec un donneur semi-anonyme ou pas anonyme ? Est-ce qu'on aurait voulu faire une ROPA ? » Moi, l'idée même de la ROPA, je ne savais même pas que c'était possible à l'époque.
[00:05:17.360] - Marie-Clémence
On a vraiment fait avec le peu d'informations qu'on avait et on a comparé un peu ce qu'on trouvait comme infos sur les cliniques en ligne, en comparant des avis clients, le tarif, etc. Et on a choisi notre clinique et on s'est lancé dans ce parcours, vraiment un grand saut dans l'inconnu, parce qu'aucune information. On a fait tous les premiers examens médicaux en France pour checker que tout allait bien dans mon corps. Aurore, elle, ne voulait pas porter d'enfant, donc il n'a pas été question de débattre toutes les deux sur qui allait porter notre enfant, ça ne l'intéressait pas du tout et moi, j'en avais très envie, donc tant mieux, on n'a pas eu à débattre.
[00:05:58.340] - Lisa (Barcelona IVF)
Facile.
[00:05:59.050] - Marie-Clémence
Oui, voilà. Pour qui c'est compliqué, pour nous, ça a été très simple là-dessus. On s'est lancé avec un premier essai en juillet 2017, qui s'est d'abord soldé par un échec, ce qui a été très difficile à vivre pour moi. Assez naïvement, je pensais que ça devait forcément fonctionner. Vu que c'était fait de manière médicale, vu que j'avais une forte stimulation avant l'insémination, etc., dans ma tête, ça allait fonctionner. C'était assez naïf. Du coup, premier échec. Je pense que c'est la première fois où on est confronté au manque de contrôle. On n'a plus de prise sur ce qui se passe. C'est-à-dire qu'on a beau faire tout ce qu'il faut, tout bien comme il faut, hygiène de vie, l'épicure à la bonne heure, tout pour stimuler la fertilité, ça ne marche pas et ça ne s'explique pas.
[00:07:00.630] - Lisa (Barcelona IVF)
C'était une insémination artificielle, c'est ça ?
[00:07:02.960] - Marie-Clémence
Oui, insémination artificielle avec un donneur anonyme pour lequel on avait une seule information, le donneur qui a été choisi par la clinique en fonction du phénotype d'Aurore. Et les seules informations qu'on a sur lui, c'est sa taille, son année de naissance, la couleur de ses yeux, de sa peau, de ses cheveux.
[00:07:21.680] - Lisa (Barcelona IVF)
Des caractéristiques qui sont non-identifiantes.
[00:07:25.210] - Marie-Clémence
Exactement. Et sa nationalité. C'est tout ce qu'on avait sur lui. Premier essai, échec, qui est vraiment très compliqué. En plus, j'ai beaucoup souffert pour le premier essai. Parce que très vite, j'ai fait une sorte d'hyper stimulation ovarienne, ça me faisait très mal. J'ai fini aux urgences après les premières inséminations et je ne comprenais pas pourquoi j'avais mal. En fait, d'un coup, il se passait quelque chose dans mon corps que je ne maîtrisais pas et qui me dépassait un petit peu. Et on a vraiment cette sensation quand même de mettre son corps à disposition de cette procréation. C'est très particulier le premier essai, je trouve, parce qu'on est vraiment dans l'inconnu. On a très peur. Je tremblais.
[00:08:10.240] - Marie-Clémence
La première fois que j'ai dû me faire une piqûre dans le ventre, je soufflais, je m'y reprenais à plusieurs fois. Je n'y arrivais pas. J'avais l'impression de faire quelque chose qui me dépassait, alors qu'en fait, au deuxième essai, je faisais ça tout en discutant, tout en regardant une série ou en travaillant.
[00:08:27.820] - Marie-Clémence
C'est juste la première fois que ça fait peur, parce qu'on n'a pas d'informations. On n'a pas grandi avec des images sur ce sujet-là, donc on ne peut pas du tout s'identifier ou quoi que ce soit. Premier essai, échec.
[00:08:41.440] - Lisa (Barcelona IVF)
C'est vrai qu'on parle beaucoup de conception naturelle et pas forcément beaucoup de procréation médicalement assistée. Moi, qui suis en contact avec beaucoup de patients, souvent aussi, il y a un peu cette idée, cette croyance que le fait d'avoir cette assistance médicale à la procréation, finalement, ça va à faire, que ça marche forcément du premier coup. Mais finalement, la réalité, c'est que l'espèce humaine, c'est comme ça, on n'est pas très fertile. En définitive, on n'est pas si fertile que ça. Et c'est vrai que même avec une assistante, ce n'est pas forcément une grossesse dès le premier essai. Mais c'est vrai que ça peut être un peu perturbant si on arrive en se disant : « Ça a forcément marché du premier coup. » Et c'est vrai que le premier négatif peut être très difficile à encaisser, finalement, parce qu'on tombe un peu de haut.
[00:09:34.980] - Marie-Clémence
Oui. Je pense qu'il y a plein de personnes qui, peut-être, se reconnaîtront, mais une fois qu'on est prête et qu'on a décidé qu'on le faisait, on a envie que ça marche tout de suite. Et moi, ça faisait longtemps que je me sentais prête, mais ça faisait aussi longtemps que j'attendais qu'Aurore le soit un peu plus, en tout cas. Quand ça y est, on s'est lancé, moi, je suis de nature assez impatiente, mais là, c'était maintenant, il fallait que ce soit tout de suite. Déjà, de devoir attendre de faire les démarches, tous les examens médicaux avant l'insémination et après, d'attendre les 15 jours avant de pouvoir faire le test de grossesse, tout me paraissait durer une éternité, mais on n'a pas le choix que d'être patiente. C'est comme ça.
[00:10:12.750] - Marie-Clémence
C'est déjà, je trouve, un premier exercice, mais je dirais aux personnes qui passent par là que c'est un peu le début de la maternité. Ça commence un peu là. Pour moi, une maternité réussie, c'est une maternité quand on lâche prise un peu et quand on comprend qu'on ne peut plus contrôler grand-chose une fois qu'on est parent. On ne peut pas contrôler notre enfant, on ne pourra pas contrôler s'il fait des bonnes nuits ou s'il fait des mauvaises nuits. Si c'est un enfant hyper introverti ou extraverti, si on va avoir un accouchement hyper cool ou si l'accouchement va être compliqué, on ne pourra plus rien contrôler à partir de ce moment-là. On fait en sorte, évidemment, quand même de poser un cadre. On peut gérer certaines choses, mais il faut très souvent lâcher prise quand on devient parent.
[00:10:59.120] - Marie-Clémence
Je trouve que c'est un peu la première fois qu'on y est confronté, c'est dans ce parcours de PMA où on fait : « OK, il n'y a pas que moi qui décide. Il ne me suffit pas de signer un devis pour avoir un enfant demain. »
[00:11:09.640] - Lisa (Barcelona IVF)
Exactement comme ça se passe.
[00:11:12.130] - Marie-Clémence
Même pour les couples hétérosexuels, on a tendance à... En tout cas, moi, dans mon entourage, même les couples hétéros qui avaient du mal à avoir des enfants, on en parlait très peu. Ceux qui en parlaient étaient un peu vus comme des ovnis. Parce que c'était : « Non, mais on pense qu'ils essaient d'avoir un enfant », mais il n'y a pas la même attention portée dessus. Et il y a un peu un côté genre : « Les enfants arrivent par le Saint-Esprit. » La famille, c'était ça. Il faut déconstruire ces idées qu'effectivement, ça marche du premier coup, qu'on est hyper fertile et qu'une piqûre et c'est bon. Premier échec, difficile à encaisser physiquement et psychologiquement pour moi. On s'est lancé ensuite dans un deuxième essai.
[00:11:56.930] - Marie-Clémence
Cette fois-ci, j'ai refait une hyper stimulation ovarienne. Ça a été de nouveau assez douloureux, fatigants émotionnellement pour moi, mais parce qu'aussi, je pense que j'avais beaucoup de choses à déconstruire intérieurement sur tout ça. Cette fois-ci, ça a marché. Le positif, en novembre 2017. Là, j'étais officiellement enceinte et j'ai eu la chance d'avoir une grossesse qui s'est très bien passée. Je suis fatiguée, un peu de nausée au début, etc., mais j'ai eu dans l'ensemble beaucoup de chance. Je n'ai pas eu à être alitée, etc., j'ai pu travailler jusqu'au bout. Plutôt une belle grossesse. J'ai donné naissance à notre première fille, Charlie, qui est née le 22 juillet 2018, qui a cinq ans. J'ai eu la chance aussi d'avoir un accouchement qui a été très long, mais qui s'est bien passé. Assez douloureux, mais pareil, je pense qu'il y a pire.
[00:12:56.600] - Lisa (Barcelona IVF)
Par rapport au parcours de PMA, vous aviez une gynécologue qui vous suivait. Comment ça s'est passé aussi cette partie-là ? Parce que c'est vrai que ce qui peut faire peur aussi, c'est l'organisation autour aussi. On a beaucoup de femmes qui viennent faire leurs protocoles ici en Espagne et c'est vrai que souvent, une des craintes, c'est le côté un peu organisation, logistique. C'est vrai, vous n'étiez pas trop loin de la clinique, mais il faut avoir une gynécologue bienveillante et faire préparer tout son traitement finalement en France et après aller juste en Espagne pour l'insémination.
[00:13:43.010] - Marie-Clémence
C'est ça. Oui, alors c'est une sacrée logistique quand même. Ça, je l'ai vécu pour nos deux enfants. La prise de rendez-vous, ça dépend, effectivement, de la ville où on vit. Nous, à Dax, avoir un rendez-vous chez un gynécologue, c'est six mois avant minimum. Ce n'est pas comme à Paris où on peut trouver un gynécologue un peu en urgence dans un cabinet la veille pour le lendemain si on a une inquiétude. Ça, ça a été quand même un sacré logistique. J'ai trouvé très vite une gynécologue pour la première insémination qui venait tout juste de s'installer et qui était jeune et qui était assez... Elle m'a tout de suite dit : « Je n'ai jamais fait ça. Je ne sais pas, mais OK, je vous suis. » Plutôt bienveillante.
[00:14:26.590] - Marie-Clémence
Ensuite, prendre tous les rendez-vous pour les prises de sang, les échographies pendant toute la période de stimulation... Moi, je fais de la production et c'est vrai que c'est audiovisuel et c'est un peu de la production. Il ne faut pas hésiter à y aller au culot, téléphoner. Franchement, au total, je crois que j'ai fait sept PMA pour avoir mes deux enfants et vraiment, j'ai tout eu. J'ai tout eu, l'échographie le 1ᵉʳ janvier à l'autre bout de la France, la prise de sang un dimanche, jour de grève des labos. Franchement, on a tout eu, même le jour de Noël, parce qu'à un moment, on ne contrôle pas tous les plannings.
[00:15:08.110] - Lisa (Barcelona IVF)
Non. Nous, ça nous arrive régulièrement. Ça me parle parce que là, on est en plein au 14 juillet qui arrive bientôt, par exemple, qui est en Espagne, pas du tout férié, mais effectivement, en France, c'est très compliqué de faire une échographie un 14 juillet. On essaye d'aider nos patients, mais c'est vrai que c'est sportif.
[00:15:29.370] - Marie-Clémence
Au début, on ne se sent pas capable et en fait, je ne sais pas, au bout d'un moment, juste quand on est dedans, on a envie que ça marche, on est en plein protocole et on n'a pas envie de tout arrêter au milieu parce qu'il s'avère qu'il faut faire une échographie supplémentaire et que ça tombe un dimanche. Je ne sais pas si c'est moi ma nature, mais j'ai l'impression que toutes les personnes autour de moi qui, depuis, sont passées par là, ont ce truc, un peu, de débrouilleux qui naît en elles.
[00:15:50.370] - Marie-Clémence
Moi, j'ai appelé les urgences à l'hôpital, j'ai dit : « OK, je suis désolée, c'est une forme d'urgence pour moi. J'ai besoin de faire une échographie là avant midi pour transmettre les résultats à la clinique. Est-ce qu'il y a quelqu'un de chez vous qui est dispo ? Il y en a pour 10 minutes vraiment maximum, de me faire cette échographie pour mesurer la taille des follicules. OK. » Il me faisait passer entre deux rendez-vous, il me faisait passer par une autre entrée, entre deux... Vraiment, j'ai tout fait.
[00:16:13.210] - Marie-Clémence
Pendant la période de grève des laboratoires qui avait duré un moment, j'avais trouvé une infirmière qui m'avait fait la prise de sang. J'étais moi-même, allée apporter mon petit tube de sang dans un labo, dans les trucs des urgences. J'ai fait de la route parfois, quand j'étais chez mes parents en Bourgogne au moment de Noël et que là, je me rends compte que j'ai mes règles, je n'avais pas prévu de les avoir là et qu'en fait, il va falloir faire tout le protocole là, de prendre rendez-vous. Et avec Aurore, le jour de Noël, faire : « Bon, à plus tard. » Et on partait. On a fait une heure de route pour aller dans une ville pas trop loin, trouver un labo. En fait, on le fait. Souvent, les gens ont peur, mais sur le moment, on le fait. On ne réfléchit pas trop.
[00:16:52.830] - Lisa (Barcelona IVF)
Vous êtes un peu proactive en tout cas pour ne pas attendre le dernier moment et de... Anticiper un petit peu quand même, parce que c'est vrai que la difficulté aussi du parcours de PMA, c'est qu'on est dépendant des échographies, des résultats, pour savoir quand est-ce qu'on va faire l'insémination au bon moment, parce que le but, c'est que ça marche. Donc, c'est de le faire au bon moment et de ne pas attendre que l'ovulation soit passée, etc. Et surtout, contrôler aussi le nombre de follicules, parce qu'on ne veut pas non plus avoir des grossesses, des triplés, etc. Il y a tout ça qu'il faut regarder. Mais c'est vrai qu'on n'a pas le contrôle parce que finalement, on est dépendant aussi de la stimulation.
[00:17:41.340] - Lisa (Barcelona IVF)
D'ailleurs, une petite précision parce que c'est vrai que je n'ai vu passer pas mal de cette question sur la stimulation. J'ai entendu que maintenant, en France, par exemple, c'est forcément avec une stimulation. Moi, je n'étais pas au courant. En fait, ce n'est pas une obligation. C'est-à-dire que parfois, il y a certaines femmes qui ne veulent pas forcément se soumettre à une stimulation. C'est vrai qu'en termes de résultat, a priori, avec la stimulation, ça fonctionne un peu mieux, mais ce n'est pas une obligation non plus à 100 %. Je pense que c'est important de le dire aussi parce que dans ce parcours aussi, parfois, on a envie, peut-être, que ça soit le plus naturel possible et d'éviter de passer par cette stimulation. C'est vrai que je trouvais que c'était aussi intéressant. Je n'avais pas forcément parce qu'en étant baignée dans les protocoles de PMA, etc., que ça peut être un point aussi qui est important.
[00:18:35.970] - Marie-Clémence
Oui, c'est vrai que sur la stimulation, moi, j'avais eu un moment un peu de doute, parce qu'on ne sait plus trop à qui se fier. Moi, je sais que pour le premier essai, ça avait échoué, et deuxième essai, la clinique m'avait dit : « Écoutez, on va doubler le dosage que vous prenez tous les jours pour augmenter la stimulation, pour que ça marche. » Je me souviens avoir dit ça à ma gynécologue qui m'avait dit : « Non, mais c'est beaucoup trop fort. » Il n'y avait pas de PMA pour [inaudible 00:19:00] en France à l'époque. Ils m'avaient dit : « Non, c'est ce qu'on donne à des femmes qui font des FIV en France et qui ont vraiment plusieurs échecs à leur actif. C'est beaucoup trop fort, c'est beaucoup trop fort. » Et en Espagne, ils me disaient : « Oui, mais si vous voulez que ça marche, il faut augmenter à un moment. » Moi, j'étais un peu perdue.
[00:19:17.360] - Marie-Clémence
Du coup, c'était à moi de choisir à ce moment-là. C'est un moment qui, pour moi, était un peu compliqué parce que je me disais : « Je ne veux pas non plus des triplés. » Et comme j'avais déjà très mal au ventre la première fois. J'avais peur aussi que ça empire. Et en même temps, j'avais envie que ça marche. Et donc j'ai accepté cette augmentation, mais finalement, ça m'a permis de voir Charlie. Donc, je ne vais pas regretter. Mais c'est là que j'ai fait mon hyper stimulation ovarienne, il y a quand même des moments où on doit prendre une décision et je pense que ça, c'est des choses qui vont se réguler aussi justement, avec la PMA pour tous en France, c'est que les médecins en France vont être beaucoup plus informés sur le sujet et vont pouvoir tirer de l'expérience aussi de cliniques espagnoles, ou portugaises, etc. Pour comprendre un peu plus pourquoi aussi les dosages sont à ces niveaux-là pour pouvoir-
[00:20:08.410] - Lisa (Barcelona IVF)
[inaudible 00:20:08] perturbant le décalage aussi de la pratique.
[00:20:10.890] - Marie-Clémence
Oui.
[00:20:12.010] - Lisa (Barcelona IVF)
D'un pays à l'autre, et on le voit effectivement dans le cadre des stimulations et sur d'autres sujets de tests à réaliser qui parfois sont intéressants, par exemple pour des personnes qui font une FIV en France, alors que nous, on a aussi beaucoup de personnes qui viennent pour des dons de gamètes, un don d'ovocytes. C'est des tests qui n'ont pas vraiment de sens à être fait en première intention. C'est vrai que quand on est un peu entre les deux en tant que patient, ce n'est pas forcément évident.
[00:20:38.990] - Lisa (Barcelona IVF)
Moi, j'ai toujours envie de dire, il faut faire confiance aussi à la clinique, à son expérience aussi, parce que c'est vrai que c'est les médecins... Moi, je vois à la clinique, c'est des collègues, ils font que de l'PMA, ils font ça, donc ils ont quand même leur expérience et ça reste des médecins, ils ne font pas non plus n'importe quoi. En tout cas, Mais c'est important aussi, je trouve, d'avoir, comme je disais avant, le choix aussi quand même dans son parcours aussi, parce que c'est quand même un sujet qui est important. Effectivement-
[00:21:10.220] - Marie-Clémence
Moi, par exemple, pour ma deuxième fille, je me souviens que j'ai fait plusieurs essais et que je me souviens très bien d'un essai où la clinique me dit : « Écoutez, là, vous avez énormément de follicules, ils sont énormes. C'est sûr que si vous venez demain, ça va être grossesse multiple. Si vous ne voulez pas finalement qu'on annule ? »
[00:21:29.620] - Marie-Clémence
Et moi, j'ai une vraie hésitation et à un moment, je me suis dit : « Non, j'y vais, tant pis. » En me disant : « OK, je vais revenir avec des jumeaux ou des triplés. » En fait, ça n'a même pas marché. Finalement, pour dire qu'en fait, même quand on a des résultats de fou, finalement, c'est la nature encore qui décide et ça peut ne pas marcher du tout et inversement. Parfois, on en a un seul de la molécule qui est bien, qui a une petite taille, tout ça, mais c'est celui-là qui va prendre. En fait, se fier aux résultats et aussi se dire que ce n'est pas que ça ne veut rien dire, mais ce n'est pas ça qui va décider complètement à la fin si ça marche ou pas.
[00:22:05.810] - Lisa (Barcelona IVF)
Il n'y a pas de chose qui soit sûre et d'un côté contrôle, etc. Dans le parcours, on oublie un peu. Et d'ailleurs, parlant de contrôle, il y a une période qui est compliquée dans le parcours, c'est la période où on attend de faire le test de grossesse. Là, vraiment, pour le coup, le contrôle, on n'en a pas du tout. L'insémination ou le transfert d'embryon est fait et on est dans l'attente. Vous, vous arrivez à gérer ce moment comment sur les différents essais ? Parce que...
[00:22:34.780] - Marie-Clémence
C'est vraiment le pire, je trouve, parce qu'il ne se passe rien. On n'a plus rien à faire, on doit juste attendre. Et je me souviens que la première fois, à la tout premier essai, je suis sortie de la salle d'insémination. J'ai demandé au médecin. Je dis : « Qu'est-ce que je dois faire ? Est-ce que je dois faire comme si j'étais enceinte ? ». Elle me fait : « Oui, en gros, faites comme si vous étiez enceinte. »
[00:22:52.530] - Marie-Clémence
Et moi, du coup, j'ai pris ça à lettre. Le lendemain, j'ai arrêté le sport, j'ai mangé un met qui est équilibré, je ne buvais pas une goutte d'alcool. Je faisais hyper attention à tout en me disant : « Je suis enceinte. » Finalement, ça n'a pas marché et je me suis un peu privée de plein de choses pendant deux semaines par peur de tout. Et finalement, je me souviens d'avoir parlé avec ma belle-sœur qui avait fait des PMA aussi à l'époque avec son mari et elle m'avait dit : « Là, tu vas vite comprendre qu'en fait, je continue de vivre comme si de rien n'était parce que sinon, tu vas faire que ça pendant les prochains mois. Ce n'est pas possible. Psychologiquement, tu ne vas pas tenir. »
[00:23:29.920] - Marie-Clémence
Du coup, deuxième essai, je me suis dit : « OK, là, je vais essayer de profiter et plutôt me dire : « Peut-être que dans deux semaines, je serai enceinte. Peut- être qu'il va se passer quelque chose, mais en attendant, profitons juste de l'instant. » Et c'est très compliqué parce qu'en vrai, on pense qu'à ça. Il n'y a pas de technique pour ne pas du tout y penser.
[00:23:49.720] - Marie-Clémence
Par contre, j'ai continué de sortir, j'ai continué de boire un verre d'alcool de temps en temps, de faire du sport. Je me souviens avoir essayé de me changer les idées en organisant avec Aurore des choses un peu exceptionnelles. C'est-à-dire qu'on s'était réservé un super hôtel avec spa, tout ça pendant un week-end. Des choses où je me disais : « Trop bien, ce week-end, on a ça toutes les deux où on va aller se faire ce super resto. »
[00:24:14.720] - Marie-Clémence
J'ai essayé de me programmer pendant 15 jours des petits moments comme ça qui sortent du quotidien et qui, du coup, me faisaient un peu sortir de ce truc d'être à la maison comme ça. Tic tac, en train d'attendre que le temps passe. Ça m'a un peu aidée. Ce qui m'a beaucoup aidée, c'était surtout d'écrire et en tout cas de poser mes émotions quelque part, parce qu'en fait, on passe vraiment par toutes les émotions. C'est-à-dire qu'on se dit : « C'est sûr, ça a marché. J'en suis sûre, c'est bon et tout, c'est la bonne. Je le sens, je sens que je suis enceinte. » Et, la seconde d'après, on a un peu mal au ventre et on se dit : « Non, j'ai les règles qui arrivent. C'est mort, c'est sûr, ça n'a pas marché, etc. »
[00:24:48.200] - Marie-Clémence
Et la seconde d'après... En fait, ça se fait comme ça dans notre tête. En général, pour les femmes qui font ça avec leurs partenaires, elles peuvent en parler à leurs partenaires, elles peuvent un peu déverser leurs émotions. Mais parfois, le ou la partenaire n'est pas prêt à entendre ça toute la journée, de : « Ça marche, ça ne marche pas, etc. » parce qu'il ou elle n'est pas dans le même état d'esprit, ce qui est normal.
[00:25:09.970] - Marie-Clémence
Parfois, ça ne suffit pas, on a envie d'en parler à d'autres personnes. Donc, ne pas hésiter aussi à soit se faire accompagner par un thérapeute pendant cette période-là, soit à écrire et à poser ses mots, soit à dessiner si c'est de dessiner qui fait du bien, soit d'en parler à un super ami ou un proche où on sait qu'on peut dix fois par jour l'appeler en disant : « Je pense que c'est la bonne » et le coup d'après, de dire : « Non, ça n'a pas marché. » Ne pas s'enfermer avec ses propres angoisses parce que sinon, ça devient vite invivable.
[00:25:40.580] - Lisa (Barcelona IVF)
Oui, c'est ça. Pas de se culpabiliser non plus, de se dire : « Non, j'arrête d'y penser. » Parce que clairement, ce n'est pas possible. C'est plutôt s'occuper l'esprit pour ne pas cogiter tout le temps. Effectivement, faire d'autres choses, peut-être nouvelles, qui permettent d'être axer, pas seulement là-dessus, mais sur d'autres choses. Parce que sinon, ça peut être... Et vous, je ne sais pas si vous travaillez à ce moment-là ? Parce que parfois, il y a des personnes qui choisissent aussi de s'arrêter.
[00:26:19.350] - Marie-Clémence
Moi, j'étais en CDI, dans une entreprise, mais j'étais en télétravail, ce qui fait que j'avais la chance à ce moment-là, j'en avais parlé à mon employeur et du coup, j'ai continué de travailler tout le temps, parce qu'aussi, ça m'occupait l'esprit. Mais tout en étant en télétravail, ce qui me permettait de sentir quand même plus dans ma sphère privée pendant cette période-là.
[00:26:42.210] - Marie-Clémence
Je pense que ça m'a fait du bien d'avoir des journées où je déprimais, je me disais : « Ça n'a pas marché, c'est foutu. » J'étais chez moi et je pouvais exprimer beaucoup plus mes émotions. Je n'avais pas besoin de les cacher parce qu'en réunion avec des collègues, etc. Je pense que ça m'a fait du bien de vivre dure ça un peu loin physiquement du bureau.
[00:27:02.970] - Lisa (Barcelona IVF)
Ouais, je pense que c'est vrai que souvent, parce que c'est une des questions parfois de dire : « Est-ce que je dois m'arrêter ou pas m'arrêter ? ». Finalement, ça dépend un petit peu de la situation de chacune, de l'environnement. On est toutes différentes aussi.
[00:27:18.280] - Marie-Clémence
Oui, c'est ça.
[00:27:19.520] - Lisa (Barcelona IVF)
De pouvoir travailler, ça permet aussi de s'occuper. Si on s'arrête, OK, mais il faut penser peut-être à d'autres activités quand même à côté, parce que ça peut vite être un enfer de cogiter. Après, je pense que ce qui est important, c'est de rappeler de vivre normalement, ce que vous avez dit.
[00:27:42.200] - Marie-Clémence
Ouais, c'est ça. Au maximum. Et souvent, pour le premier essai, on a tendance à vouloir mettre toute sa vie entre parenthèses et se dire : « OK, je me consacre à 100 % à ça, etc. » Mais si ça ne marche pas au premier coup, ni au deuxième, ni au troisième, on peut passer un an facilement à avoir mis sa vie en pause et à avoir refusé des vacances, un voyage.
[00:28:06.180] - Marie-Clémence
Nous, on ne s'est pas empêchée, alors qu'on savait qu'on était en plein parcours de PMA, comme je disais tout à l'heure, on ne s'est pas empêchées d'aller fêter Noël dans ma famille à l'autre bout de la France, on ne s'est pas empêchés. Ce n'était pas au premier essai. Je peux comprendre complètement qu'au premier essai, on ait envie d'être chez soi. Moi, je suis rentrée du premier essai, je me souviens, j'ai dormi tout l'après-midi, j'étais allongée dans le lit comme si j'avais une intervention chirurgicale. Alors qu'en fait, pour l'essai suivant, j'ai continué ma vie et puis j'allais bosser.
[00:28:33.330] - Marie-Clémence
En fait, c'est ça, déjà que ça prend beaucoup de place dans notre vie, dans notre tête en plus. Ça peut mettre des mois, voire des années avant de réussir à avoir un enfant. Des fois, c'est le premier coup et tant mieux, mais parfois non.
[00:28:46.210] - Marie-Clémence
Du coup, il faut aussi se dire que dans la durée, il ne faut pas tout mettre en suspens non plus, je pense. Après, encore une fois, c'est vrai que tout le monde est différent et qu'on peut aussi avoir besoin de ne penser qu'à ça, de ne faire que ça, de ne faire que ça, d'être chez soi. Mais pour la plupart-
[00:29:05.130] - Lisa (Barcelona IVF)
Ça peut être compliqué psychologiquement, quand même, de rester vraiment dans sa bulle à 100 % PMA. Après, une fois que c'est passé, c'est vrai que si ça marche vite, ça va, mais si effectivement, on parle de plusieurs mois, plusieurs années, le temps passe et puis il ne faut pas oublier le moment présent, finalement et dans le passé. C'est un parcours qui n'est pas toujours facile. Donc, il y a eu la deuxième tentative, donc une grossesse. Et comment s'est passée cette grossesse avec Aurore ? Des petites anecdotes ?
[00:29:47.580] - Marie-Clémence
Ouais, ça s'est plutôt bien passé. Aurore, pour elle, c'était complètement lunaire ce qui se passait. Elle ne comprenait pas du tout. Et, je trouve que le regard qu'on pose sur sa partenaire aussi, il est différent. D'un coup, elle me disait : « OK, tu n'es plus Marie Clément, celle que j'ai rencontrée il y a déjà quelques années, la jeune stagiaire au boulot. » Là, je vais devenir mère.
[00:30:08.240] - Marie-Clémence
Je trouve que ce temps de grossesse, il est nécessaire pour tout le monde. Évidemment, pour le bébé qui grandit, mais il était même nécessaire pour moi, parce que moi qui faisais la maligne jusque-là en disant : « Non, mais je suis hyper prête, j'attends que ça. » Une fois enceinte, je pense que j'étais complètement paniquée, parce que là, on dit : « Waouh ! Non, mais en fait, je ne sais pas si j'étais prête. Je crois que je me suis trompée. Ma vie d'avant, elle était très bien comme ça. » On est là, on a hyper peur.
[00:30:31.930] - Marie-Clémence
Et, Aurore, elle ne comprenait pas. Elle ne ressentait rien encore pour ce bébé. Elle se sentait loin de tout ça, parce qu'encore une fois, pas de possibilité de s'identifier à d'autres personnes qui seraient passées par la même chose qu'elle. Mais finalement, les mois ont beaucoup aidé parce que je pense que ça s'est vraiment développé chez elle au moment où Charly a commencé à bouger dans mon ventre, qu'on pouvait la sentir de l'extérieur.
[00:30:56.270] - Marie-Clémence
Pour moi aussi, quand ça y est, j'ai senti bouger dans mon ventre, j'ai dit : « OK, ça y est, je comprends. Là, je comprends vraiment que c'est concret. Il y a un petit être dans mon ventre qui a besoin de nous. » Et pour Aurore, ça a été le moment où elle a pu commencer à communiquer avec son bébé aussi. Et ça s'est fait lentement, mais doucement. Après, au moment de l'accouchement, la petite a tout de suite été mise dans les bras d'Aurore et c'est devenu une évidence à cet instant-là qu'elle était sa mère. Et encore une fois, ça s'est fait beaucoup plus naturellement pour elle que pour moi.
[00:31:31.190] - Marie-Clémence
C'est-à-dire que moi, j'ai le souvenir vraiment d'avoir Charlie dans les bras et de me dire : « Je ne suis pas sûre de vouloir ça ». Je n'ai pas eu de rencontre, j'ai pleuré de joie, mais je n'étais pas sûre de ressentir ce que je pensais que je devais ressentir à ce moment-là. L'amour instantané.
[00:31:54.110] - Lisa (Barcelona IVF)
D'attente, derrière cette [inaudible 00:31:55].
[00:31:55.850] - Marie-Clémence
Oui, c'est ça.
[00:31:56.580] - Lisa (Barcelona IVF)
Vous avez eu beaucoup de...
[00:31:58.020] - Marie-Clémence
Je l'avais fantasmé avant. La mère a porté cinq enfants. C'est ce truc d'être dévouée à son enfant et de l'aimer plus que tout au monde. Moi, à l'instant où j'ai eu Charlie contre moi, je me suis dit : « Je la trouvais très grande, beaucoup plus grande que ce que j'avais imaginé. » En fait, j'étais tellement épuisée par cet accouchement qui... Vraiment, mon travail, il a duré, je ne sais combien d'heures. Ça a été vraiment compliqué. J'étais épuisée et vraiment, j'ai le souvenir de rentrer dans la chambre à la maternité, qu'on nous ramène dans la chambre et de me dire : « Je vais aller dormir », parce que je n'en pouvais plus. Ça faisait 48 heures que j'étais là, en travail, que je n'avais pas dormi. Et me dire : « Je vais aller dormir » et là, d'entendre Charlie pleurer et de me dire : « Mais en vrai, je ne peux pas aller dormir parce qu'elle a besoin de moi.
[00:32:46.310] - Marie-Clémence
»
[00:32:46.440] - Marie-Clémence
En fait, c'était le premier instant où je me suis dit : « J'étais tellement fatiguée » et j'ai compris qu'en fait, à partir de maintenant, c'étaient les besoins de mon enfant qui allaient passer avant les miens. Moi, j'avais envie de dormir, juste que quand j'avais envie de dormir, j'allais dormir. Personne pour me réveiller, personne pour m'aider, je faisais ma vie ou alors mon chat éventuellement qui allait me réveiller en pleine nuit.
[00:33:06.400] - Marie-Clémence
Et là, d'un coup, je comprends que ce n'est pas moi qui décide quand est-ce que je vais pouvoir aller dormir. Parce que j'ai ce petit bébé qui est là et qui a besoin de moi, elle a besoin de nous. Ce n'est pas du rejet, mais je suis un peu tombée de mon petit nuage en me disant : « OK, retour à la réalité. » C'est ça aussi être mère, c'est arrêter de passer en premier, c'est passer quelqu'un d'autre en premier et c'est ça va être de la fatigue. Donc ça s'est fait vraiment petit à petit. Ça n'a pas été instantané. Tout de suite, je me suis évidemment occupée d'elle et j'en avais envie et je l'aimais très fort.
[00:33:42.390] - Marie-Clémence
Mais comprendre-
[00:33:44.050] - Lisa (Barcelona IVF)
Il y avait les hormones aussi.
[00:33:45.120] - Marie-Clémence
Oui, les hormones. Elle est quand même-
[00:33:47.620] - Lisa (Barcelona IVF)
On ne peut pas les oublier.
[00:33:49.450] - Marie-Clémence
Ouais. Après, j'étais plus fatiguée du tout. Pendant trois jours à maternité, je ne dormais pas alors que j'aurais mieux fait de dormir à certains moments. Puis j'étais épuisée du coup le reste du temps. Je pleurais. J'ai eu beaucoup de mal à l'allaiter. Ça a été très douloureux. J'ai fait des infections. Tout ça a été épuisant pour moi, parce que j'avais de la fièvre. C'était trop difficile. Et, en pleine canicule en plus.
[00:34:16.760] - Marie-Clémence
Et Aurore, elle, bizarrement, vu qu'elle n'avait aucune attente, je n'ai pas dû projeter en quoi que ce soit, elle débarque comme ça. Elle, ça s'est plutôt très bien passé. La fatigue aussi, parce que comme je ne pouvais pas allaiter Charlie, parce que je n'y arrivais pas, on faisait des biberons toutes les deux la nuit. Je tirais mon lait et elle faisait les biberons. Vraiment, on a eu tout de suite notre petite mise en route à deux, en équipe, pour s'occuper de Charlie. Tout de suite, Charlie est devenue la prunelle de ses yeux. C'était ce qu'elle redoutait, elle, de : « Je ne vais pas réussir à trouver ma place. » « Est-ce que moi, est-ce que je peux aimer quelqu'un alors que je ne le connais pas ? » Elle, c'étaient vraiment toutes ces questions-là.
[00:35:04.650] - Marie-Clémence
À l'instant, elle a vu Charlie et encore aujourd'hui, elles ont une relation extrêmement fusionnelle, vraiment. Elle a tout le temps besoin d'avoir sa fille contre elle. Elle a toujours quelque chose de beaucoup plus finalement charnel que moi, alors que c'est moi qui... Elle vient de mon corps.
[00:35:20.210] - Lisa (Barcelona IVF)
Comme quoi le lien se crée et ce n'est pas forcément un lien génétique. On n'a pas parlé le côté génétique, mais physique aussi. C'est intéressant ce que vous vous dites, parce que je pense que c'est une question qui probablement aussi se pose pour beaucoup d'autres femmes lorsqu'on ne porte pas forcément le bébé. C'est vrai que c'est une question qui est très intéressante.
[00:35:49.180] - Lisa (Barcelona IVF)
Finalement, qu'est-ce que c'est d'être maman ? La maternité, tout ce que ça implique. C'est vrai qu'on nous montre souvent la part partie de la maternité un peu enjolivée. Finalement, ça ne fait pas toujours facile, ça fait partie du processus, mais c'est important aussi d'en avoir conscience.
[00:36:14.590] - Lisa (Barcelona IVF)
Après, les choses se déroulent. Je trouve que c'est très intéressant d'avoir vos deux points de vue, à Aurore et à vous, parce que finalement, vous aviez peut-être une idée de comment ça allait se passer. Et finalement, ça ne s'est pas passé.
[00:36:33.050] - Marie-Clémence
Non, c'est ça. Ça ne se passera pas comme on prévoit. Ça se passe pas mal, mais ça ne se passe pas comme on l'a prévu.
[00:36:42.310] - Lisa (Barcelona IVF)
Oui. Les projets de maternité, par exemple, c'est très bien, mais il y a ce qui est sur le papier et il y a ce qui se passe dans la réalité. C'est vrai que ce n'est pas toujours possible de mettre en place, mais en tout cas, non, je pense que c'est vraiment intéressant d'avoir votre retour à vous, parce que c'est des questions. Et après, la question d'une petite deuxième s'est posée.
[00:37:10.930] - Marie-Clémence
Oui. Bizarrement, Aurore qui avait traîné un maximum alors que j'étais encore à la maternité avec Charlie, il m'a dit : « Alors, quand est-ce qu'on fait la deuxième ? » Le deuxième : « Là, alors, attend, je te la donne. » [inaudible 00:37:22] d'être passée sous un camion, donc laisse-moi un peu de temps de me remettre. Mais quand même assez rapidement, quand on s'est très vite épanouie à trois avec Charlie, ça se passe hyper bien. On s'est dit : « Allons-y ». On voulait au moins un deuxième enfant. On s'est lancé dans un nouveau parcours. On s'est dit : « Là, la loi pour la PMA pour toutes est en train d'être discutée, mais on était encore loin et moi, je n'avais pas envie d'attendre ».
[00:37:50.140] - Marie-Clémence
Il y a plein de gens qui disent : « Pourquoi tu attends pas que ça passe en France ? ». Non, à un moment donné, en plus, il y a le Covid qui est passé par là juste après, donc tout prenait du retard, etc. Et on s'est dit : « C'est très bien comme ça, nos deux fils sont sur le même pied d'égalité, on va dire là-dessus ». Il nous restait du stock pour faire des essais avec le même donneur. Donc deux essais.
[00:38:11.860] - Marie-Clémence
Pour moi, ce n'était pas du tout quelque chose qui était important pour moi. Et Aurore, elle, ça l'a rassuré. Elle me dit : « Si, ça me rassure ». Même si comme je le disais : « Oui, mais bon, dans une même fratrie avec les deux mêmes parents, parfois, il y a un enfant qui est en super santé, l'autre pas du tout. Les personnalités, physiquement, ça peut être... »
[00:38:29.150] - Marie-Clémence
Mais elle, ça la rassurait. Donc, on a fait le premier essai pour avoir notre deuxième enfant, échec. Là, je le prends beaucoup mieux parce que je me dis : « Oui, c'est normal, c'est le premier essai, ça ne marche pas, ce n'est pas grave ». On enchaîne. Deuxième essai, ça va marcher. Le deuxième essai, ça ne marche pas. » Là, ça commence un peu à me stresser et je commence à mal le vivre, vraiment. Même si le parcours en lui-même est beaucoup plus simple. Physiquement, j'encaisse beaucoup mieux ce qui se passe, donc j'ai très peu de douleurs. Je suis beaucoup plus prête. Je suis je sais exactement où je vais, comment ça va se passer.
[00:39:02.950] - Marie-Clémence
Donc deuxième essai, échec. Là, ça commence quand même à me stresser. Troisième essai, échec. Là, vraiment, je commence à me sentir très mal parce que j'ai peur. J'ai peur que ça ne marche plus, que je ne veux pas passer par une FIV. Là, je commence vraiment à paniquer. Et, encore une fois, une fois qu'on a décidé qu'on en voulait un deuxième, on le veut tout de suite. Donc, dans ma tête, je pensais plus qu'à ça et je ne voulais pas patienter.
[00:39:31.240] - Marie-Clémence
Quatrième essai, là, je tombe enceinte. Vraiment, super moment de joie, etc. Je veux dire, vraiment, parce qu'on a le droit à quatre essais en insémination avant de passer à la FIV. Je me dis : « OK, génial, vraiment, on n'est pas passé loin, mais c'est trop bien, je suis enceinte ». On l'annonce à quelques-uns de mes proches, parce que vraiment, je suis enceinte mi-juin. L'été arrive, j'ai beaucoup de mal à le cacher, parce que mon ventre s'arrondit tout de suite. Ce qui est assez très vite impressionnant, c'est qu'on a l'impression que je suis enceinte de trois mois alors que c'est que les débuts, parce qu'il y a les mémoires du corps, parce que psychologiquement, je crois que je suis... Mon corps est prêt. Vraiment, on passe l'été en étant hyper nauséeuses. Tous les symptômes de la grossesse, tout l'été. On a fait une première échographie au tout début de l'été, je suis bien enceinte, etc.
[00:40:24.630] - Marie-Clémence
En fait, à peut-être trois jours, quatre jours avant l'échographie de premier trimestre, sur le chemin du retour des vacances, on rentre à Dax parce qu'on s'était prévu cette date-là et en plus, je savais que j'avais mon échographie. Là, je commence à avoir un peu mal au ventre et quelques saignements. Et sur le coup, je me dis : « C'est normal, il y a plein de femmes qui ont des petits saignements au début de la grossesse, c'est sûrement ça ». J'ai quand même une sorte d'intuition qu'il y a quelque chose qui ne va pas.
[00:40:53.860] - Marie-Clémence
Je me souviens très bien parce qu'on rentrait des vacances et je dis à Aurore : « Dépose-moi à l'hôpital en chemin à Dax. Rentre à la maison avec la petite, aller défaire les valises, etc. Tellement, je n'étais pas inquiète. Je dis : « Je vais quand même passer aux urgences gynéco à Dax. » Je ne sais plus encore une fois, on était un dimanche, un truc comme ça. Je dis : « Comme ça, je fais mon petit check-up et on continue ». Oui, je le fais trois jours après échographie, mais voilà. Je vais faire ce petit contrôle. J'explique au sage-femme gynéco ce qui se passe et puis elle me dit : « OK », elle m'ausculte comme ça, tout va bien, machin et elle me fait en échographie. Elle me dit : « En fait, il y a un problème, c'est que le cœur de votre bébé s'est arrêté de battre ».
[00:41:35.950] - Marie-Clémence
Moi, je ne comprends pas. Je dis : « Mais ce n'est pas possible ». Elle me dit : « Là, visiblement, il a arrêté de se développer il y a quasiment trois semaines vu l'avancée ». Et là, vraiment, ça a été un double choc pour moi parce que dans ma tête, il se passe plein de choses à ce moment-là. Je me dis : « Ce n'est pas possible que je n'ai pas senti depuis trois semaines que mon bébé était mort ». C'est-à-dire que je n'accepte pas de me dire : « Pendant trois semaines, j'ai continué ma vie comme ça, comme si de rien n'était, avec mon petit bidou, ma famille était au courant. » Je n'ai rien senti. Je n'ai eu aucun signe d'alerte à part là, trois gouttes de sang et encore.
[00:42:21.730] - Marie-Clémence
Je me dis : « C'est pas possible. » Je me dis très vite, et c'est ce que je leur dis en fondant en larmes, je leur dis : « Je ne veux pas refaire de PMA ». Je dis : « Vous ne vous rendez pas compte, je ne veux plus y retourner ». Et l'idée, je sortais de quatre essais dont le dernier avait réussi, mais vraiment d'une série d'échecs.
[00:42:40.720] - Marie-Clémence
L'idée de repartir là-dedans alors que je m'étais dit : « Ça y est, c'est fini. C'est bon. » C'était vraiment : « Non, je ne veux pas. Je n'ai pas envie de recommencer. » Ça, c'est mes deux premières réactions. Ça a été douloureux parce que sur le coup, elle me dit : « Votre corps, on garde le bébé ». Et à un moment, elle me dit : « On va programmer dans une semaine. » Elle me programme une semaine après, on vous fera un curetage. On va vous faire une IMG. Mais pour le moment, on laisse comme ça. Et en fait, le choc de l'annonce a fait qu'en fait, naturellement, dans la nuit qui a suivi, j'ai fait une fausse couche, j'ai tout évacué chez moi. Ça a été vraiment compliqué psychologiquement, physiquement. J'ai été hospitalisée, etc.
[00:43:35.999] - Marie-Clémence
Et j'ai découvert une chose à laquelle on ne nous prépare pas du tout : la fausse couche, parce que personne n'en parle. Je me souviens, ma mère me dit au téléphone : « Tu sais, moi aussi, j'en ai fait une. » Je me souviens que mon père me l'avait dit il y a des années, mais ma mère ne m'en avait jamais parlé. Je me dis : « Oui, mais je trouve ça fou qu'on n'en parle pas. » Alors que ça fait partie de son histoire. C'est un peu important.
[00:44:01.350] - Marie-Clémence
Après, il y a des femmes qui passent très vite à autre chose et se disent : « OK, go, ce n'est pas grave, ce n'est rien ». Puis, il y en a pour qui c'est traumatisant. Moi, ça a été plus ça, cette solitude un peu dans laquelle on se retrouve. Parce que pour Aurore, elle, ça a été un peu un coup dur. Elle était triste, mais pas trop parce que ce n'est pas elle qui le vit physiquement. Parce que tant que je n'avais pas un ventre gros rond comme ça, enceinte de six mois, elle ne se projetait pas complètement dans l'arrivée d'un nouvel enfant. Alors que moi, ça faisait des mois et des mois qu'on était en essai de PMA. On en a même fait en plein Covid, de voir passer la frontière franco- espagnole avec les militaires à la frontière, avec des papiers spécifiques. Vraiment, ça a pris une place énorme dans ma vie. Et là, d'un coup, ça s'arrête et il faut tout recommencer.
[00:44:48.390] - Marie-Clémence
Très compliqué et très vite, surtout, tout le monde me dit : « Non, mais il faut que tu fasses une pause. Là, tu as trop donné. Fais un break. Reprenez dans six mois, dans un an. » Tout le monde me dit : « Attends. » Parce qu'aussi physiquement, franchement, je suis flinguée à ce moment-là, je suis fatiguée. La fausse couche en elle-même a été très douloureuse, donc j'ai mal au dos. C'est ce que m'a dit mon STO après, elle m'a dit : « Physiquement, c'est comme si vous aviez accouché. » Évidemment, je n'ai pas accouché d'un bébé de quatre kilos, mais quand même, physiquement, c'est un choc. Tout le monde disait : « Attendez. »
[00:45:20.420] - Marie-Clémence
À ce moment-là, on est au mois de septembre et ça m'énerve qu'on me dise d'attendre. Parce que moi, j'ai quand même toujours ce désir d'enfant. Oui, je suis en train de vivre un deuil, je fais le deuil de ce bébé auquel je m'étais attachée, qui faisait partie de moi vraiment. Mais je garde bien mon cap, c'est avoir un deuxième enfant. En fait, la clinique espagnole me dit : « Vous avez le droit à quatre essais, mais vu que vous êtes tombée enceinte au dernier essai, vous recommencez depuis le début. On considère que ça a marché. « Donc, vous repartez de zéro, vous pouvez repartir quatre essais. » Ça me rassure aussi de me dire que je n'ai pas besoin d'aller en FIV, qu'on me redonne mes vies comme un jeu vidéo, genre, je peux recommencer du début.
[00:46:03.940] - Marie-Clémence
J'y suis retournée, j'ai laissé passer un cycle, le temps que mes cycles se remettent en route comme il faut aussi, parce que sur ce point-là, tout part un peu en vrille, on n'a plus de repère. Dès que ça s'est remis comme il faut, début novembre, j'y suis retournée. J'ai laissé passer deux mois. Un cycle qui était un peu n'importe quoi parce que reste de fausse couche, etc. Un autre cycle qui était de nouveau bien calé et le suivant, j'y suis retournée. Parce qu'à un moment, je me suis dit : « Ce n'est pas aux autres de savoir si je suis prête ou pas. Moi, je veux y aller, j'y vais. » J'y suis allée avec beaucoup plus de recul que les autres fois. J'y suis allée en me disant : « OK, tranquille, tu y vas, ça marche, ce n'est pas grave, ça marche, tant mieux. »
[00:46:47.550] - Marie-Clémence
En fait, ça m'avait tellement calmé le coup de la fausse couche avant que j'y allais, mais avec beaucoup plus de recul. J'ai décidé de tout filmer. J'ai fait une [inaudible 00:46:55] après sur les réseaux sociaux où vraiment, j'ai tout filmé aussi parce que je me suis dit : « Je filme et je vais écrire tout ce que je vis parce que je veux que ce soit la dernière fois. Ce sera la dernière fois, donc cette fois-ci, je vais tout noter pour me souvenir pour plus tard. » J'ai tout vécu cette dernière PMA avec beaucoup de distance. Non, parce qu'en vrai, je pensais à ça tous les jours, mais quand même beaucoup plus qu'avant, en me disant : « On verra. On verra si ça marche ou si ça ne marche pas. » Et en fait, ça a marché. Ça a marché et je suis vraiment tombée enceinte et ça a été un soulagement énorme, même si les premiers mois, j'ai été terrifiée à l'idée de refaire une fausse couche.
[00:47:39.280] - Lisa (Barcelona IVF)
Oui, ça, c'est important aussi comme sujet, parce que ça peut être effectivement stressant, évidemment, quand on fait une fausse couche, se dire : « Est-ce que ça va recommencer ? » C'est vrai que c'est là de se dire : « Ce n'est pas parce que ça s'est passé une fois que ça va recommencer, mais ce n'est pas si- »
[00:47:57.120] - Marie-Clémence
Oui, c'est ça. J'avais tellement été de tromper par mes symptômes sur la première grossesse qu'en fait, je ne faisais plus du tout confiance à ce que je ressentais. En plus, pour cette grossesse-là, j'ai été malade, mais vraiment. Je pensais avoir connu un premier trimestre un peu difficile pour Charlie, mais là, j'ai compris que c'était vraiment un premier trimestre compliqué à être allongée du matin au soir, sur le canapé, ne rien pouvoir faire. J'étais malade du matin au soir, il n'y avait rien qui m'aidait. Et psychologiquement, triste. Je n'étais pas bien. J'avais tellement peur. Je me disais : « Tu sais quoi ? Tu as des nausées, mais peut-être que ça ne veut rien dire. Peut-être que ton bébé n'est déjà même plus là. »
[00:48:36.150] - Marie-Clémence
Je n'avais plus aucune confiance dans les signaux que m'envoyait mon corps, qui jusque-là m'avait envoyé des trucs plutôt clairs. Là, je n'avais plus confiance. Du coup, trois premiers mois compliqués ou trois mois, je me dis : « OK, une fois que l'échographie du premier trimestre va passer, c'est bon, je serai rassurée. » Et je me souviens ne pas avoir attendu. Mon échographie était, je ne sais plus, fin janvier et trois semaines avant, je me rendais malade. Mais vraiment, j'avais trop peur qu'il y ait quelque chose qui n'aille pas.
[00:49:07.140] - Marie-Clémence
Je me souviens que j'étais à Paris pour le boulot et j'ai cherché en urgence « Rendez-vous gynéco demain matin ». Le lendemain, à 8h00, j'étais chez un gynéco qui m'a fait une échographie que je n'avais jamais vue. Il m'a fait l'échographie et quand j'ai entendu le cœur du bébé battre, j'étais seule, j'étais sans Aurore, etc., mais je pense que c'était juste moi qui avais besoin de me rassurer. Et j'ai pleuré de joie et d'un soulagement de me dire : « OK, c'est bon. Là, à cette étape-là, ça va. On continue. » Et ne pas hésiter aussi à un moment, si on a besoin d'être rassuré, d'aller voir un professionnel, parce qu'on peut toujours trouver un créneau. Ça m'a vraiment fait du bien et la première échographie s'est bien passée. Mais j'ai quand même été encore très malade jusqu'à quatre mois de grossesse. Et jusqu'à quatre mois de grossesse, j'avais très peur de faire fausse couche.
[00:49:54.870] - Marie-Clémence
C'est quand j'ai commencé à sentir le bébé bouger vers 4-5 mois que là, je me suis rassurée. Parce qu'en fait, je la sentais en moi et ça me permettait de sentir qu'elle bougeait, de sentir qu'elle était là et de ne pas paniquer. C'est à ce moment-là que vraiment mes angoisses se sont envolées et j'ai pu vivre, j'étais plus malade et j'ai eu une super fin de grossesse. Tout s'est très bien passé. Ils m'ont [inaudible 00:50:20] en avance, à trois semaines avant le terme, mais pour d'autres raisons médicales sans gravité. J'ai eu un accouchement génial et là, il y a une différence. L'instant où on m'a posée Billy dans les bras a été un instant très différent. Pour Charlie, parce que là, je l'aimais déjà très fort. Elle était dans mes bras et je l'adorais. Là, j'étais déjà mère, donc ce bouton-là était déjà actif chez moi et Aurore aussi, vraiment. Ça a été bien plus simple.
[00:50:51.970] - Marie-Clémence
Sur l'allaitement aussi, pareil. Pour Charlie, ça s'était très mal passé, ça avait été vraiment douloureux. Là, je m'étais dit : « Tu sais quoi ? Tu essayes. Si ça te fait mal, ce n'est pas grave, tu arrêtes, tu ne batailles pas, tu ne te fais pas de mal, tu ne te mets pas dans des infections, etc. » Du coup, j'étais très détendue et l'allaitement a fonctionné. J'ai adoré allaiter pendant deux mois.
[00:51:14.110] - Lisa (Barcelona IVF)
C'est intéressant aussi pour les mamans qui ont déjà eu une première expérience comme vous, vous aviez eu et qui se disent : « C'était dur. Est-ce que je recommence. La seconde grossesse, ça ne sera pas forcément... » En tout cas, la naissance d'un autre bébé ne se déroulera pas forcément de la même façon que le premier. Donc, pas rester aussi bloquée sur une expérience qui est difficile aussi, parce que [diaphonie 00:51:42] maman, ça peut bloquer aussi. Ce n'est pas beaucoup de choses, mentalement, physiquement. Et alors, moi, je me posais la question, comment est-ce que vous avez choisi qu'elles vous appellent, vos filles ?
[00:51:57.380] - Marie-Clémence
Aurore, elle avait envie, elle m'avait dit : « Non, moi, j'ai envie que nos filles t'appellent maman. » Moi, je n'avais pas envie du « maman » pour elle. Du coup, on a cherché d'autres petits mots. Qu'est-ce qu'on avait ? On avait moune, mounette. Puis après, on s'est dit : « Mamoune, c'est mignon ». On a essayé ça et c'était très mignon parce que Charlie, pendant un an quasiment, elle n'arrivait pas à le dire, donc elle disait : « mamoule » pour Aurore au lieu de « mamoune ». Ce qui donnait lieu à des situations assez drôles. Donc c'est maman et mamoun. Après Charlie, elle dit : « J'ai deux mamans, j'ai maman et mamoun ». Pour elle, les choses sont hyper claires.
[00:52:35.570] - Marie-Clémence
Aurore, c'est une maman poule, beaucoup plus que moi. C'est-à-dire que moi, encore une fois, j'ai grandi avec une mère au foyer qui s'est occupée de ses enfants H24, etc., et Aurore, pas du tout. Moi, j'ai plus tendance à être la mère qui fait plus preuve d'autorité. Je vais être la mère qui cadre tout, tout en essayant d'être la plus tendre possible. Aurore, c'est la mère qui dit pas non à ses enfants, qui les protège à fond, qui a toujours besoin d'un contact physique avec elle. Les deux sont très proches de leurs deux mamans, finalement.
[00:53:14.360] - Marie-Clémence
Je pense qu'on a chacune pris notre place naturellement en fonction de notre personnalité, de notre histoire, de notre rapport à la maternité. Tout s'est fait naturellement et Aurore, elle qui ne se pensait pas du tout prête pour tout ça, aujourd'hui, elle est plus que prête. Et pour la petite anecdote, Aurore, elle a fait une couvade pour les deux grossesses. C'est incroyable. Pour la grossesse de Charlie, Aurore, elle va avoir 44 ans, donc elle est un peu plus âgée. Mais pour la grossesse de Charlie, d'un coup, elle a plus ses règles et on s'est un peu inquiété. Elle est allée voir le gynéco qui a dit : « À votre âge, vous approchez de la quarantaine, ça peut arriver qu'il y ait des cycles qui sautent. » Pendant neuf mois, pas de règles. Mon terme était le 27 juillet et j'ai accouché le 22 juillet et Aurore a eu de nouveau ses règles le 27 juillet, le jour du terme. Elle a pris du poids.
[00:54:10.840] - Marie-Clémence
Sur les deux grossesses, elle a pris plus de 10 kilos. Vraiment, son corps couvait.
[00:54:16.680] - Marie-Clémence
Et ça l'a refait pour Billy, où de nouveau, elle n'a pas eu ses règles pendant un moment pendant la grossesse.
[00:54:21.220] - Lisa (Barcelona IVF)
C'est dingue.
[00:54:22.020] - Marie-Clémence
Ouais, connecté. Alors que le reste du temps de l'année, on n'est pas du tout... Ça fait 15 ans qu'on est ensemble et que souvent, les femmes se règlent ensemble. Pas du tout. C'est vraiment peut-être une fois par an, ça tombe à la même date, mais c'est rarissime. Mais là, au moment des grossesses, elle a couvé avec moi. Hormonalement, il s'est passé quelque chose en tout cas.
[00:54:39.670] - Lisa (Barcelona IVF)
C'est dingue.
[00:54:40.430] - Marie-Clémence
Oui.
[00:54:42.760] - Lisa (Barcelona IVF)
Les filles aussi, est-ce qu'elles vous posent des questions sur leur famille ?
[00:54:50.360] - Marie-Clémence
On aborde ce sujet-là depuis toujours, notamment grâce aux livres. Avec Charlie, on lui parle tout le temps de son histoire, on lui explique qu'on avait besoin d'une graine et qu'on est allé en Espagne, tout ça. On a même emmené Charlie pour les essais pour avoir Billy. À force d'enchaîner les essais, parfois, on n'avait pas toujours quelqu'un pour garder Charlie en dernière minute. C'est déjà arrivé, elle est venue une fois même en Espagne nous accompagner jusqu'à la salle d'attente pour les essais. Elle sait tout ça. Elle sait l'expliquer très bien à ses copains, à son entourage. Elle a des questions, on y répond et pour elle, ce n'est pas un sujet. Jamais elle nous a demandé plus d'informations. Elle ne voit pas ça comme un problème, elle. C'est sa vie, c'est sa famille et elle est comme ça. Et ça lui convient très bien. Elle sait que la majorité des familles sont différentes. Elle sait qu'elle fait partie d'une minorité, mais elle a l'air épanouie.
[00:55:52.610] - Lisa (Barcelona IVF)
Finalement, votre conseil, c'est d'en parler naturellement, dès tout petit, même s'ils ne comprennent pas tout au départ, parce que les enfants, ils vivent. En fait, ils ne jugent pas, les enfants, pour eux, c'est normal. C'est exactement ça. C'est vrai que le fait d'en parler dès tout petits... Je ne sais pas s'il y a des ouvrages que vous...
[00:56:21.380] - Marie-Clémence
Il y a la Maison [inaudible 00:56:22], qui fait des livres pour parler de son histoire avec son enfant. Il y a un livre, la PMA de Léo, il me semble, de Sylvie Lee. Il y a plein de livres. Il y a des livres qui parlent... Ce qui est bien aussi, c'est sans aborder exactement ce sujet-là, c'est d'aborder la diversité des schémas familiaux de manière générale. Comme ça, ça permet aussi de parler des autres familles qui ne vont pas être forcément avec un papa et une maman, mais des familles avec des enfants adoptés, une famille avec deux papas, etc. Et on parle de toutes les familles et on parle de la sienne. Et je sais que Charlie, elle adore dire : « Ça, c'est ma famille. » Quand on fait le livre : « Ça, c'est moi. » Et on continue. Elle dit : « Ça, c'est moi. » Et puis on continue. Et elle dit : « Ça, c'est mon copain, un tel dans la classe.
[00:57:03.860] - Marie-Clémence
» C'est de voir que ça existe dans les livres et les dessins animés, c'est hyper important.
[00:57:10.970] - Lisa (Barcelona IVF)
C'est chouette.
[00:57:12.570] - Lisa (Barcelona IVF)
Pour terminer l'épisode, est-ce que vous auriez des conseils à donner pour le parcours de PMA ou la maternité pour les futures mamans de la communauté qui vont finalement se lancer dans leur projet de bébé ?
[00:57:28.300] - Marie-Clémence
Oui, je dirais que comme ça, ça paraît un peu insurmontable et je comprends que ça puisse paraître un peu insurmontable, parce que quand on en parle... Maintenant, la parole s'est tellement libérée qu'on parle de ce qui est bien dans ce parcours, mais on parle aussi des difficultés. C'est normal qu'on ait peur de plein de choses, mais que je ne connais personne jusque-là qui se soit arrêté en plein milieu de parcours en disant : « Oh là là, je n'y arrive pas, c'est trop compliqué. Je n'ai pas compris les consignes. »
[00:57:53.010] - Marie-Clémence
Moi aussi, au début, je n'ai rien compris. On me disait : « Il faut aller faire une hystérosalpingographie à J+4. » Après ça, je dis : « Oh là là, je ne sais même pas quand est-ce que sont mes prochaines règles. » Mais en fait, ce n'est pas des choses qui sont inatteignables. Très vite, on comprend et une fois qu'on a compris, c'est très simple. Il faut juste suivre. Y aller étape par étape, ne pas trop se projeter loin, faire vraiment les choses. « OK, là, cet essai, voilà ce que je veux faire. »
[00:58:20.910] - Marie-Clémence
Ne pas penser trop loin et évidemment, essayer au maximum de lâcher prise si on peut, si on y arrive, sans se culpabiliser si on n'arrive pas à lâcher prise. Ce n'est pas grave aussi. Parfois, on pense qu'à ça et c'est normal aussi. Ne pas hésiter à en parler à son ou sa partenaire au maximum, parce que c'est aussi des personnes qui sont parfois à l'extérieur, un peu de tout ça, mais qui ne demandent que ça, que d'être plus impliquées. On peut les impliquer de manière différente. Et de se dire aussi que ça vaut le coup, que ce n'est pas facile, mais que c'est sans regret. Ça vaut le coup. On est fatigué après quand on a des enfants, mais je repense à toute cette période-là avec beaucoup de tendresse aussi pour cette femme que j'étais à ce moment-là et qui parfois a eu peur. Et je me dis : « OK, je l'ai fait, je suis contente. Ça vaut le coup.
[00:59:10.380] - Marie-Clémence
J'ai deux super petites filles. Je leur referai 1 000 fois s'il fallait.
[00:59:14.980] - Lisa (Barcelona IVF)
Merci beaucoup d'avoir partagé votre expérience, que ce soit sur le parcours de PMA ou la maternité, parce que je crois que c'est des sujets qu'il est important d'évoquer. Plus on a d'informations, plus c'est facile. On sait qu'il peut y avoir des étapes qui sont difficiles dans le parcours, mais plus on a d'informations, plus on est préparé aussi. C'est vrai que c'est vraiment extrêmement précieux, en tout cas, d'avoir des retours comme le vôtre. Merci encore Marie-Clémence.
[00:59:47.660] - Marie-Clémence
Merci à vous.
[00:59:48.300] - Lisa (Barcelona IVF)
Merci à vous de nous avoir écoutés et à très bientôt.
[00:59:51.470] - Marie-Clémence
Avec grand plaisir. Merci.
[00:59:53.700] - Voix-off
[langue étrangère 01:00:05]