Fausses couche et deuil périnatal
Mathilde, à travers son compte instagram "mes presques riens", de sa BD du même nom, et de nombreuses autres actions s'est donné pour mission de sensibiliser autour de la grossesse arrêtée, la maternité et le corps. Dans cet épisode, Mathilde nous parle de sa propre histoire et nous donne des conseils pour les femmes qui traversent cette épreuve si difficile de la grossesse arrêtée et du deuil périnatal. "C'etait très dur de ne pas arriver à comprendre ce qui se passait dans mon corps" "On est pas préparées pour la plupart, on découvre réellement ce que c'est lorsque ca nous arrive"
Transcription
Barcelona IVF
On-Fertile Minds, The Barcelona IVF Podcast
[00:00:12.060] - Lisa (Barcelona IVF)
Bonjour Mathilde. Merci d'avoir accepté notre invitation sur le podcast de Barcelona IVF pour, dans cet épisode, parler du thème des fausses couches et du deuil périnatal. Pour commencer, Mathilde, est-ce que tu veux bien te présenter à nos auditrices et nos auditeurs ?
[00:00:34.620] - Mathilde Lemiesle
Oui, bien sûr. Déjà, bonjour Lisa et bonjour à tous. Moi, je m'appelle Mathilde Lemiesle et je suis autrice de BD. J'ai écrit une BD qui s'appelle Mes presques riens et qui raconte mon parcours pour avoir un enfant. C'est ma première BD. Pour avoir ma fille, moi, j'ai fait plusieurs fausses couches, j'en ai fait quatre et j'ai raconté mon parcours dans une BD.
[00:01:06.030] - Lisa (Barcelona IVF)
Pour le préciser, tu n'es pas passée par un parcours de PMA. C'étaient des grossesses spontanées, mais tu as fait quatre fausses couches.
[00:01:15.640] - Mathilde Lemiesle
C'est ça.
[00:01:16.910] - Lisa (Barcelona IVF)
Est-ce que tu peux nous raconter plus en détail ton parcours pour devenir maman ?
[00:01:21.740] - Mathilde Lemiesle
Oui, bien sûr. Moi, j'ai fait des fausses couches, mais effectivement, comme tu dis, je ne suis jamais passée par la PMA. J'ai eu des traitements, j'ai été suivie par une gynécologue spécialiste en infertilité, mais je ne suis pas passée par tous les parcours IAC, FIV, etc., parce que je tombe enceinte naturellement et très rapidement, mais c'est juste ça ne tenait jamais. J'ai fait quatre fausses couches comme je disais. À chaque fois, je tombais enceinte assez facilement et elles se sont toutes arrêtées autour de la 10ᵉ semaine à peu près.
[00:02:03.370] - Mathilde Lemiesle
En France, c'est au bout de la troisième, il me semble, qu'on fait des examens. Donc à la troisième fausse couche, j'ai eu toute une batterie d'examens avec mon conjoint et qui n'a rien, absolument rien, révélé à part une petite carence en machin ou des petits bidules, mais rien qui n'expliquait la répétition de ces grossesses arrêtées. On m'a donné des médicaments de manière préventive, on va dire, et ça n'a pas fonctionné quand même pour la quatrième fois.
[00:02:38.740] - Mathilde Lemiesle
Après, je suis tombée enceinte une cinquième fois six mois plus tard et là, ça a marché. Je ne sais pas pourquoi. Je n'ai aucune réponse de pourquoi parce que j'avais refusé de prendre le traitement qu'on m'avait donné, empirique, parce que ça n'avait pas marché, que c'était contraignant et que je ne voyais pas l'intérêt. C'était déjà très stressant comme grossesse et j'essayais d'être le moins... Ça me polluait, j'avais l'impression. Finalement, j'ai eu ma fille qui est née il y a six ans bientôt, en bonne santé et qui va très bien.
[00:03:20.700] - Lisa (Barcelona IVF)
Finalement, ils n'ont pas trouvé d'explication, en tout cas, pourquoi ces fausses couches.
[00:03:30.300] - Mathilde Lemiesle
Non. Je voulais dire aussi que la grossesse de ma fille s'est très bien passée. Je n'ai aucune pathologie pendant toute ma grossesse, je n'ai eu aucun problème qui aurait pu expliquer toutes ces pertes de grossesse.
[00:03:53.540] - Lisa (Barcelona IVF)
Ta fille va très bien, elle se sent en superforme.
[00:03:57.470] - Mathilde Lemiesle
Ma fille va très bien, elle va très bien et tout va bien, elle n'a aucun soucis.
[00:04:02.440] - Lisa (Barcelona IVF)
C'est vrai que tu as eu la chance de tomber très rapidement enceinte. Par contre [diaphonie 00:04:09]-
[00:04:12.460] - Mathilde Lemiesle
C'est vraiment une chance.
[00:04:12.690] - Lisa (Barcelona IVF)
-d'avoir des fausses couches. C'est vrai que ce qui était probablement difficile, c'est de ne pas vraiment avoir d'outils aussi, de choses qui puissent aider à comprendre ce qui se passait et ne pas avoir de réponse en tout cas. Parce que-
[00:04:23.240] - Mathilde Lemiesle
Ça, c'était vraiment très dur, le fait de ne pas comprendre ce qui arrivait dans mon corps. Je me rappelle que quand on a commencé à faire les tests avec mon conjoint, on espérait qu'il y ait quelque chose parce qu'on se disait : « S'il y a quelque chose, ça veut dire qu'il y a une solution qui va nous être proposée. » Finalement, le fait qu'il n'y ait rien, ça a été assez difficile à avaler parce que ça voulait dire, ça peut recommencer n'importe quand et qu'on n'en sait rien du tout. Du coup, le lâcher prise à faire à ce niveau-là, il n'était vraiment pas facile à faire.
[00:04:54.450] - Lisa (Barcelona IVF)
C'est vrai que nous, en Espagne, on a la chance d'avoir aussi d'autres techniques qui ne sont pas des miracles, mais qui permettent, en tout cas, de faire du diagnostic, comme le diagnostic préimplantatoire qui s'effectue sur les embryons. C'est une petite biopsie des embryons qui sont, suite à une FIV, analysés et qui permet de voir s'il y a des choses qui font qu'on a toutes ces fausses couches à répétition. C'est vrai que dans ces moments-là, ça permet d'avoir des réponses. En France, malheureusement pour l'instant, ce n'est pas autorisé encore.
[00:05:32.430] - Mathilde Lemiesle
Ce n'est pas autorisé, oui.
[00:05:33.890] - Lisa (Barcelona IVF)
C'est vrai que nous, on a quand même des patientes qui viennent effectivement dans ces contextes de fausses couches à répétition et parfois, on voit qu'il y a beaucoup d'embryons et que, finalement, sur tous les embryons qu'on a, il y en a une partie qui ne sont pas normaux et qui auraient été transférés, finalement, sans regarder si on ne faisait pas ce diagnostic.
[00:05:55.600] - Mathilde Lemiesle
C'était peut-être mon cas aussi, mais je n'en sais rien. Je ne sais pas du tout. Maintenant, c'est passé et je n'ai pas forcément envie de le savoir. Je n'en ai pas l'utilité...
[00:06:09.400] - Lisa (Barcelona IVF)
Toi d'ailleurs, tu as des chiffres sur combien de femmes sont concernées en France par les grossesses arrêtées, les fausses couches ?
[00:06:20.600] - Mathilde Lemiesle
En France, je ne sais pas trop parce que je n'ai pas l'impression qu'il y ait vraiment des études qui soient faites, concrètes, à ce sujet-là, malheureusement. Ce n'est pas vraiment un sujet qui intéresse la recherche ou le monde médical, j'ai l'impression. C'est estimé à peu près... Il y en a qui disent une grossesse sur cinq, une ou deux grossesses sur cinq, je pense, et qu'il y aurait 200 000 fausses couches par an en France. C'est un chiffre qui est énorme. Mais je pense que c'est un peu sous-estimé parce qu'il y a toutes celles qui passent entre les lignes.
[00:07:04.080] - Mathilde Lemiesle
Comment ils font leurs chiffres ? Qui les détecte ? Il y a des femmes qui font des fausses couches sans forcément aller voir le médecin. Du coup, il y a plein de cas différents qui ne rentrent pas dans les lignes, donc c'est assez dur de savoir. En tout cas, en France, on est à peu près sur ce chiffre-là annuel.
[00:07:23.600] - Lisa (Barcelona IVF)
Tout ça pour dire qu'il y a quand même beaucoup de femmes qui sont concernées et que ça reste quand même un sujet qui est tabou. On le voit bien avec le fait de ne pas parler de sa grossesse avant les trois mois.
[00:07:39.250] - Mathilde Lemiesle
C'est ça. Même avant, parce que je pense, ne pas parler sa grossesse quand on désire un enfant. Je trouve que les gens qui sont en PMA, ils ne l'annoncent pas forcément à leur famille. Quand on veut l'annoncer, on veut que ça soit une bonne nouvelle parce que la grossesse est forcément quelque chose de merveilleux. Du coup, on attend le moment où, potentiellement, il y a plus de risques, même si on sait que les risques, ils sont tout au long de la grossesse, mais de moins en moins, plus on avance et là, ça doit forcément être positif, ce qui pose un problème. Parce que dès que nous, on vit quelque chose, les choses se passent mal, on se retrouve toute seule, avec notre histoire, avec notre douleur, parce qu'en fait, on ne l'a dit à personne. Donc comment le partager ? Ce n'est vraiment pas évident et ça fait un peu une double peine au final.
[00:08:32.480] - Lisa (Barcelona IVF)
C'est aussi ce qui fait que c'est tabou. Parce que comme on n'en parle pas, moins on en parle, moins les personnes aussi de l'entourage savent comment réagir aussi à ça, et ça fait un sujet qui est encore plus difficile, finalement, lorsque ça arrive. C'est pour ça que ton compte, il est né, ton compte Instagram mespresquesriens, il est né de ça aussi, de ce parcours, de ces fausses couches que tu as eues.
[00:09:07.060] - Mathilde Lemiesle
Il est né complètement de ça. En tout cas, quand je l'ai fait, mon but, il était aussi d'informer sur ce qui se passait et autant d'un point de vue physique qu'émotionnel et physique de tout ce qui peut se passer dans le corps. Parce qu'on n'est pas du tout... Comment dire ? Déjà, on n'est pas prévenu parce qu'on découvre pour la plupart la fréquence, qu'est-ce que c'est qu'une fausse couche quand on le fait. Avant, la plupart des femmes, je pense qu'elle doit... On connait plus ou moins, mais on ne sait pas si fréquent. Du coup, il y a un silence qui entoure le sujet, qui entraîne une désinformation, une mal information qui est pour moi problématique en termes de santé pour la femme.
[00:10:02.520] - Mathilde Lemiesle
Ça met les femmes dans des situations qu'elles ne devraient pas forcément avoir à vivre. Je pense que c'est couplé aussi, c'est en train de changer, mais à une banalisation ou une minimisation du monde médical de ce que c'est qu'une fausse couche autant d'un point de vue physique encore qu'émotionnel. Je me souviens de ma première gynéco qui m'avait dit : « Ça va faire comme des grosses règles » et que finalement, j'ai fini limite en hémorragie sur le bord de ma salle de bains, à tomber dans les pommes. Ça peut amener à des moments qui mettent la femme en danger, ou, en tout cas, qui la mettent en fragilité et dans une situation de peur qui n'est absolument pas justifiée, parce qu'on pourrait très bien imaginer des choses qui accompagnent la femme et le couple dans cet événement.
[00:11:00.340] - Lisa (Barcelona IVF)
Parce que c'est vrai que c'est sûr que le monde médical aussi, ils n'ont pas le même niveau d'information aussi parfois en tant que patiente. C'est vrai que quand on est une femme et qu'on vit une première fausse couche, on ne sait pas comment ça va se passer, on n'a pas toutes ces informations. C'est vrai que-
[00:11:20.140] - Mathilde Lemiesle
Mais je ne suis même pas sûre que tous les médecins sachent forcément. Parce que pour dire à quelqu'un : « Ça va faire comme de grosses règles », il faut n'avoir jamais eu ses règles ou n'avoir jamais demandé à ses patientes comment ça s'était passé avant. La plupart des témoignages que j'ai reçus à qui on a dit : « C'est comme des grosses règles » et que ça ne s'est pas du tout passé comme ça, ce n'est pas la même douleur, ce n'est pas la même chose qui sort du corps. Je pense que c'est important d'être le plus [inaudible 00:11:51] possible à ce niveau-là.
[00:11:54.480] - Lisa (Barcelona IVF)
Pour être mieux préparée, c'est sûr. D'ailleurs, on a parlé du monde médical et aussi, finalement, quelles mesures sont mises en place pour les femmes qui passent par des fausses couches en France ? Est-ce qu'elles peuvent s'arrêter et quels sont les droits ? Parce que c'est quand même une épreuve difficile.
[00:12:17.610] - Mathilde Lemiesle
Il n'y en a pas beaucoup. Là, il y a une nouvelle loi qui est passée en France qui permet... Par exemple, il n'y a pas d'arrêt obligatoire comme il peut y avoir en Nouvelle-Zélande. Ça n'est pas passé en Espagne aussi ? Il me semble qu'il n'y a pas une loi en Espagne ? Ça, il n'y a pas. En fait, c'est un peu au bon vouloir du médecin qu'on a en face de soi, de l'interne, parce que ça se passe souvent aux urgences, donc ça peut être un interne, etc. Il y en a qui vont mettre une semaine direct, il y en a qui vont mettre une journée, il y en a qui vont dire rien du tout. Ça, c'est un petit peu au bon vouloir.
[00:12:52.440] - Mathilde Lemiesle
Par contre, là, il y a la nouvelle loi qui est passée en France, elle enlève le jour de carence. C'est-à-dire qu'avant, quand on avait par exemple quatre jours d'arrêt, on avait trois jours de carence dans lequel on n'était pas payé. On était payé à partir du-
[00:13:08.850] - Lisa (Barcelona IVF)
[inaudible 00:13:10] Sécurité sociale.
[00:13:09.910] - Mathilde Lemiesle
Voilà, c'est ça. Ça, ça saute. Si on est arrêté un jour, on est payé le jour où on est absent. Avant, ce n'était pas le cas. En tout cas, pour toutes les autres maladies, ça ne l'est pas. Ça, c'est déjà un premier pas qui est bien. Après, il faudrait que ça se mette aussi pour le conjoint, parce que là pour l'instant, ce n'est que la femme ou la conjointe. Dans la nouvelle loi, il y a aussi toute une partie sur un accompagnement psy qui est proposé après la fausse couche, après la grossesse. Et ça, c'est pour les deux.
[00:13:59.090] - Lisa (Barcelona IVF)
L'accompagnement psy pris en charge, évidemment.
[00:14:02.920] - Mathilde Lemiesle
Oui.
[00:14:04.300] - Lisa (Barcelona IVF)
Parce que c'est vrai qu'on pouvait... En tout cas, ce n'était peut-être pas proposé de manière spontanée.
[00:14:11.320] - Mathilde Lemiesle
Non.
[00:14:12.130] - Lisa (Barcelona IVF)
C'est vrai que ça reste une épreuve qui est difficile.
[00:14:16.250] - Mathilde Lemiesle
Ça peut. Je pense qu'on n'est pas égales face à ça. Je pense que c'est important si on a besoin de savoir qu'on peut. Dans mon parcours, on ne m'a jamais proposé, [diaphonie 00:14:28]
[00:14:27.970] - Lisa (Barcelona IVF)
[diaphonie 00:14:30] accompagnée, tu vois, dans ton parcours ou [inaudible 00:14:32] ?
[00:14:32.780] - Mathilde Lemiesle
Oui. Après la troisième grossesse arrêtée, j'ai été voir une psychologue qui m'a suivie après jusqu'à ce que ma fille naisse, pendant presque deux ans. Ça m'a sauvé la vie, je pense, ça m'a fait énormément de bien et ça m'a permis d'avoir un espace dans lequel je pouvais parler de ce qui m'arrivait et c'était vraiment plus que nécessaire. Ça m'a fait énormément de bien. Même des fois, je pense, ça peut être juste pour une personne qui traverse une fausse couche, juste y aller une fois et voilà, si ça se trouve, ça suffira d'avoir juste avoir un moment, un espace où la douleur est reconnue et où elle n'est pas niée, elle n'est pas banalisée, elle existe. Et après finalement, peut-être une fois, ça suffit. Ça ne veut pas dire qu'on passe à autre chose, mais on évolue vers autre chose plus sereinement.
[00:15:33.560] - Lisa (Barcelona IVF)
D'ailleurs, je pense que c'est important de le dire, que c'est légitime, de se faire accompagner et qu'il ne faut pas se minimiser non plus. Parce que parfois les femmes, on a tendance à minimiser les choses aussi et de se dire : « Non, allez, je continue », etc., mais finalement, on accumule tout ça. Que ça soit une fausse couche plus précoce ou plus tardive, l'un ou l'autre, dans les deux cas, il y a une légitimité parce que ça reste une perte, il y a un deuil qui survient.
[00:16:08.780] - Mathilde Lemiesle
C'est ça. Je pense qu'on a tout à fait le droit de prendre ce temps pour soi. Après, on a le droit, il faut aussi avoir la possibilité de le faire parce que ça dépend aussi de son travail, de quelles possibilités on a de prendre ce temps-là aussi. Mais si on peut le prendre, il faut. Il est nécessaire et il est légitime, ça, c'est sûr.
[00:16:37.210] - Lisa (Barcelona IVF)
C'est important parce que parfois, on n'ose pas, on se dit : « Non, peut-être que ce n'est pas si nécessaire » ou « Ce n'est pas si grave que ça », on minimise. Non, c'est important.
[00:16:54.020] - Lisa (Barcelona IVF)
D'ailleurs aussi, je voulais te demander. Toi, quels seraient tes conseils justement autour de ce deuil périnatal, toi qui as vécu plusieurs fausses couches pour les femmes qui passent par là ? On a parlé de l'accompagnement psy qui est intéressant. Est-ce qu'il y a d'autres conseils que tu aimerais donner ?
[00:17:18.060] - Mathilde Lemiesle
L'accompagnement psy, ça serait le premier, de trouver quelqu'un. Je sais que des fois les maternités en proposent et les centres PMA aussi. Donc c'est bien, si ça existe, de se diriger vers ces personnes-là. Après, il existe aussi dans certains endroits des groupes de parole. Ça, ça peut être intéressant aussi parce que c'est rencontrer d'autres personnes qui vivent la même chose et le fait de se sentir moins seule, ça aide beaucoup à dépasser, je pense... On se reconnaît dans l'autre, on se dit qu'on n'est pas seule et qu'on se sent plus forte, je pense. En tout cas, moi, c'est ce que j'ai ressenti. J'ai l'impression que c'est un truc qui marche bien. Après, on peut faire des choses aussi, écrire et raconter son histoire ou la dessiner. Je sais que c'est quelque chose qui m'a aussi énormément aidé, de mettre en mots ce que je vivais, ça me permettait de le sortir de moi.
[00:18:29.850] - Lisa (Barcelona IVF)
Au vu de l'entourage aussi parce que c'est vrai que c'est un vrai sujet aussi, l'entourage. Parce que quand on vit une fausse couche, parfois, on n'en a effectivement pas du tout parlé à son entourage. Parfois, on en a parlé, du coup, l'entourage est au courant. Finalement, est-ce que toi, tu aurais des conseils pour l'entourage, de choses à ne pas dire ? Parce que c'est vrai que parfois, l'entourage, bien évidemment, se veut bienveillant, mais n'a pas toujours les bons mots autour de ça.
[00:19:06.800] - Mathilde Lemiesle
Non, parce que ça découle du silence qui est autour. Vu qu'il n'y a aucune connaissance réelle de ce que c'est, l'entourage, il n'est pas forcément conscient de ce que la personne est en train de vivre, ou le couple. Pour l'entourage, je pense que le meilleur des conseils, ça serait juste d'écouter et de demander ce que la personne veut, de ne pas minimiser ce qu'elle est en train de vivre, de ne pas donner de conseils non sollicités, de ne pas être...
[00:19:36.920] - Lisa (Barcelona IVF)
D'éviter les phrases peut-être comme : « Ce n'était pas la bonne parce que ce n'était pas le moment » ou des choses comme ça.
[00:19:45.020] - Mathilde Lemiesle
« Ce n'était pas vrai bébé », toutes ces phrases qui minimisent et qui banalisent, ça, ce n'est juste pas possible. Au lieu de dire juste : « Comment tu te sens ? Est-ce que tu as envie d'en parler ? » Si oui, l'écouter vraiment et être là, peut-être venir juste pour amener des gâteaux, offrir un massage, je n'en sais rien, mais être là et exister, envoyer un colis avec des petites douceurs à l'intérieur, montrer que c'est quelque chose qui compte et qu'on entend que c'est quelque chose qui compte. Parce que moi, je trouve une des choses qui a été le plus difficile, c'est le silence, moi, j'ai trouvé. C'est le fait qu'il n'y ait rien du tout. Ça, je trouve que ça n'a été vraiment pas facile à vivre. Vraiment, une des choses les plus dures.
[00:20:30.860] - Lisa (Barcelona IVF)
Le silence, c'est parce que l'entourage ne savait pas comment réagir. C'était ça, sûrement.
[00:20:37.570] - Mathilde Lemiesle
Je pense qu'il y avait de la pudeur, il y avait de la gêne. Ils ne savent pas quels mots utiliser. Je pense qu'il y a un mélange de ça. Il y a peut-être un mélange aussi de se dire : « Ce n'est pas forcément si grave parce que... » Après, si on ne me posait pas de questions, je n'en parlais pas non plus. Je pense comme beaucoup de gens. Et si on n'en parle pas, il n'y a rien, il n'y a pas des choses qui se créent et ce n'est pas facile pour les autres de prendre conscience s'il n'y a rien qui est dit.
[00:21:10.510] - Lisa (Barcelona IVF)
C'est sûr. C'est vrai que ce qui est important, c'est d'être là et d'écouter, et pas forcément d'être là pour parler du sujet en lui-même, mais d'avoir une présence et être là en soutien. D'ailleurs, on a parlé de l'entourage et je pensais aussi au sujet du couple, parce que ce n'est pas forcément facile aussi pour les couples.
[00:21:40.220] - Mathilde Lemiesle
Non.
[00:21:40.800] - Lisa (Barcelona IVF)
Parce que la femme qui porte l'enfant et qui subit la perte physiquement a peut-être une réaction aussi qui n'est pas la même, un ressenti qui n'est pas la même que la personne qui accompagne, qui est impactée aussi bien évidemment, mais la situation est un peu différente. Toi, comment tu as vécu ça ?
[00:22:02.100] - Mathilde Lemiesle
C'est sûr que le vécu n'est pas le même parce que comme tu dis, la femme le vit dans son corps, avec les douleurs, avec tout ce que ça implique. Je pense qu'elle est à 100 % dans la perte. Le conjoint, il n'est pas forcément à 100 % là-dedans. Je trouve que ça peut être compliqué. Moi, je sais que mon conjoint, il a mis du temps à réaliser ce que je traversais et à quel point ça me détruisait au fur et à mesure qu'on avançait, ça me rendait très mal. Et je pense qu'on n'est pas aidé non plus peut-être par, encore une fois, le monde médical qui va souvent, dans le cadre de la grossesse, en tout cas, demander plus à la femme, voir la femme, à s'adresser...
[00:22:54.530] - Mathilde Lemiesle
Je sais qu'il y a des femmes qui me racontent que leur conjoint n'a même pas été accepté à l'hôpital pour les échographies alors que c'est un couple. Un enfant, c'est les deux. Surtout si la femme le désire, ça doit se vivre à deux, pour moi en tout cas, du début jusqu'à la fin. Après, il y a une implication qui se passe aussi dans tout le processus après, de l'enfantement et de l'enfant qui grandit, l'éducation, etc. Ça commence là.
[00:23:26.700] - Lisa (Barcelona IVF)
Dès le début. C'est sûr que comme en tant que femme, c'est quand même nous qui subissons tous les examens, etc., c'est vrai que l'homme, il a peut-être tendance à être-
[00:23:41.470] - Mathilde Lemiesle
Être là pour un soutien.
[00:23:42.520] - Lisa (Barcelona IVF)
[inaudible 00:23:45] inclus dans le processus et c'est vrai qu'indirectement, ils se sentent moins aussi inclus dans tout ça. Peut-être que c'est plus difficile aussi de comprendre.
[00:24:02.050] - Mathilde Lemiesle
De comprendre et après, je pense que c'est aussi... Moi, je sais que j'ai pas mal de témoignages. Comparé à ceux que je peux avoir de femmes, j'ai eu quelques témoignages d'hommes et très souvent, ils sont... Comment dire ? Ils cachent leur tristesse pour être forts pour leur conjointe, la plupart. Il y a, on va dire, un système social qui se met en place comme partout où l'homme doit être fort. Du coup, il va taire ses sentiments et il va devoir assumer pour sa femme d'être fort et de tenir le couple.
[00:24:44.380] - Lisa (Barcelona IVF)
C'est vrai. On le voit aussi dans les parcours de PMA, tu sais, il y a des tentatives qui n'aboutissent pas. C'est vrai que souvent monsieur qui essaye d'être fort pour les deux et...
[00:24:56.730] - Mathilde Lemiesle
Sa douleur, elle est niée. J'avais entendu un homme qui racontait que par exemple, quand il racontait ce qui s'était passé, que sa femme avait eu une perte de grossesse, les gens en face lui disaient : « J'espère que vous êtes là pour votre femme, ça doit être tellement difficile pour elle ». Du coup, lui, il passait à l'as à chaque fois et c'était extrêmement violent parce qu'il avait l'impression que lui, il n'avait pas le droit d'avoir de sentiments, alors qu'ils en ont.
[00:25:33.880] - Lisa (Barcelona IVF)
C'est vrai que les hommes et les femmes aussi, on a une façon d'exprimer aussi nos sentiments et aussi, des fois parfois, ça vient de loin. L'éducation, les hommes, on leur dit-
[00:25:49.180] - Mathilde Lemiesle
Pour moi, c'est vraiment une construction sociale qui fait que les hommes, on leur dit d'être forts et de ne pas parler de leurs émotions parce que c'est vraiment un truc de fille.
[00:26:00.570] - Lisa (Barcelona IVF)
[inaudible 00:26:01]
[00:26:01.820] - Mathilde Lemiesle
C'est ça. Alors que les femmes, on leur demande d'être beaucoup plus expansif sur leurs sentiments, etc. Forcément, elles vont peut-être plus avoir de facilité à en parler que les hommes. On va tout de suite les...
[00:26:14.720] - Lisa (Barcelona IVF)
C'est pour ça que d'ailleurs, c'est intéressant la mesure concernant l'accompagnement qui soit pour les femmes et pour les hommes aussi [diaphonie 00:26:24].
[00:26:26.370] - Mathilde Lemiesle
L'accompagnement psy, ouais. Pas le jour de carence, mais l'accompagnement psy, ouais.
[00:26:33.500] - Lisa (Barcelona IVF)
D'ailleurs, je pense que c'est un message aussi peut-être intéressant pour les femmes qui traversent cette épreuve. Il faut se dire que même si leur conjoint ou partenaire ne le montre pas, ce n'est pas qu'il ne souffre pas aussi.
[00:26:51.160] - Mathilde Lemiesle
C'est peut-être juste qu'il ne le dit pas, il l'épargne en fait.
[00:26:55.740] - Lisa (Barcelona IVF)
Et qu'il ne montre pas aussi. Ça, c'est intéressant parce que de la même façon, par exemple, pendant les parcours de PMA, je [inaudible 00:27:03] parce que c'est vrai que-
[00:27:04.860] - Mathilde Lemiesle
Je pense que c'est assez similaire
[00:27:06.530] - Lisa (Barcelona IVF)
[diaphonie 00:27:07] de patient et de couple. C'est vrai que parfois, il y a certaines femmes qui ont l'impression que leur conjoint n'est pas impliqué ou n'est pas triste lorsque ça ne fonctionne pas ou d'un essai ou autre. En fait, ce n'est pas le cas. C'est simplement que le conjoint réagit d'une autre manière. Ça, c'est intéressant parce que ça fait partie un peu aussi de toute la partie émotionnelle qui se passe au-delà de la perte, du deuil, etc. Il y a tout aussi ce qui va autour et c'est vrai que si on a cette incompréhension, etc., ça peut vite devenir très lourd.
[00:27:49.920] - Mathilde Lemiesle
C'est clair.
[00:27:51.060] - Lisa (Barcelona IVF)
D'où l'importance de la prise en charge.
[00:27:53.640] - Lisa (Barcelona IVF)
Toi, sur ton compte Instagram, tu échanges avec beaucoup de femmes, d'hommes qui-
[00:28:02.230] - Mathilde Lemiesle
Surtout des femmes. Les hommes, ça peut arriver peut-être deux fois par an qu'il y a un homme pour me raconter soit son histoire, soit me poser des questions, soit parler, soit répondre. Mais la plupart du temps, ce n'est que des femmes. Je n'ai quasiment que des femmes à 98 %, je crois.
[00:28:20.170] - Lisa (Barcelona IVF)
D'accord. Si vous voulez retrouver Mathilde, échanger avec Mathilde sur son compte Instagram mespresquesriens. En tout cas, merci beaucoup Mathilde d'avoir partagé ton parcours, pour tes conseils aussi et pour tout ce travail que tu fais autour des fausses couches, du deuil périnatal, pour pouvoir aussi aider et apporter toutes les informations finalement que toi, tu aurais eu envie d'avoir à ce moment-là. Vraiment bravo parce que c'est essentiel et utile pour beaucoup de femmes et quelques hommes qui te contacteraient.
[00:29:03.650] - Lisa (Barcelona IVF)
Merci à tous de nous avoir écoutés et on vous dit à très bientôt.
[00:29:09.860] - Mathilde Lemiesle
Merci, au revoir et à bientôt sur mon compte.
Barcelona IVF
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